Une flèche dans le D

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Lorsque Laurette arrivait au rez-de-chaussée, son cœur affolé battait si fort au travers de sa poitrine qu'une violente douleur intercostale lui ordonna de se calmer. Elle essayait de reprendre son souffle calmement. Au travers de la vitre, elle balayait du regard la large place où Kane s'était garé à l'Américaine, selon l'expression de Ricardo.

Au loin, face à la porte d'entrée de l'immeuble, les bras croisés et adossé à l'aileron de son coupé sport, il attendait patiemment qu'elle n'arrive.

Sous un gros blouson de cuir noir, Kane avait revêtu un costume cintré, il avait donc pris le temps de se changer pour venir la rencontrer.

Alors qu'elle arrivait non loin de lui, toujours très émue, elle notait de chics lignes rouges en biais sur sa cravate, ce qui venait trancher l'uniformité de son allure sombre quoique chic.

Laurette se demandait si elle serait maintenant à la hauteur, mais elle chassait aussitôt ce sentiment.

Il lui fallait être forte, non vindicative et placide. Elle écouterait chacune de ses explications et lutterait avec détermination contre sa fragilité naturelle.

A peine avait-il entrevu un centimètre du tulle de la robe rose de Laurette qu'il se redressait. Il s'apprêtait à l'accueillir en tendant ses bras puis dans la foulée à lui ouvrir la porte passager.

Il lui souriait. Ses hochements de tête successifs traduisaient un certain trouble et cela le rendait encore plus séducteur.

Sans parler, Laurette lui faisait remarquer que sa mère devait scruter la scène d'en haut et d'un doigt sur sa bouche, elle l'invitait à se taire.

Puis, elle courut vers la roseraie, peu éclairée à cette heure. Laurette le voulait dans son univers à elle. Il vint la rejoindre aussitôt, amusé par son espièglerie.

Sur le banc, elle l'attendait emmitouflée dans son gros blouson en fausse laine de mouton retournée. Peut-être aura-t-elle préféré plus de simplicité. La vision de ce bolide haut de gamme l'avait décontenançait.

Tu veux bien accepter mes excuses, Laure? Lui dit-il sans délai, alors qu'il lui prenait doucement ses deux mains.

Laurette le regardait avec tendresse, elle détaillait les traits de son visage encore plus fins sans la barbe. Elle remarquait une minuscule fossette sur le menton et cette petite vague sous chacun de ses yeux.

Des singes au Costa Rica ?

Il hochait la tête.

Ce n'est qu'un demi-mensonge, je fais réellement partie de cette organisation, mais c'est plutôt d'ordre administratif maintenant. Laure... Comment aurais-tu réagi si tu avais tout appris d'un seul coup ?

‑ Quoi ? Que tu étais mon directeur ? Que c'est pour ça que tu te livrais si peu avant? Que tu déménageais le magasin de Londres ? Que tu étais à King's road avec Lucibelle ? Il est vrai que je préfère la version, suiveur de taxi, lecteur de classiques, chanteur de rock, champion de rénovation de corniches et sauveur de singes.

Il souriait tout en se pinçant la lèvre de coté.

Laisse-moi une chance quand même, Laure.

‑ Tu comptais m'emmener où avec ton cheval blanc à aileron ? Refaire le chemin de l'autre jour ?

‑ J'aimerais tant revivre ça, mais là, ce braquage remet beaucoup de choses en question. Il faut croire que nous n'étions pas au point niveau sécurité.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant