De cœur ou de carats

Qui charme le serpent

Le petit salon, Maison BARNOY.

‑ Oui, un café, sans sucre, s'il vous plaît Monsieur Tibère.

‑ Allons, appelez-moi Tibère, simplement, Laure. Ce que j'apprécie, c'est que nous n'ayons pas d'horaires nous, les cadres. Nous allons et venons à notre guise. Nous sommes les solides piliers de l'entreprise. Qu'en pensez-vous Laure ?

Laurette avait pris place sur le canapé face à l'entrée du showroom. Elle se pencha pour que de ce point de vue, elle puisse vérifier si celui dont elle était tant éprise se trouvait bien là.

Une petite famille s'était regroupée sur la vitrine des bracelets Bradley, si apprécié en cette période de Noël. Le problème c'est qu'elle avait beaucoup de mal à discerner l'ensemble du showroom malgré ses contorsions.

Kane demeurait sûrement encore dans le showroom.

Punaise ! Toutes les vendeuses accouraient vers lui. Un costume noir cintré, une tonne de paperasse sous le coude, un air de dire merci à chaque mouvement de tête et ses longues mèches brunes qui volaient de chaque côté de ses larges épaules, c'était lui !

Il ne pouvait pas en être autrement, il n'y en avait qu'un comme lui !

‑ Vous avez mal au dos, Laure ? Moi, je suis resté coincé du dos en plein Londres, l'année dernière, quelle affaire ! J'ai dû prolonger mon séjour et rester dans un Bed and Breakfast avec une lady qui me faisait des haricots en sauce tous les matins. J'avais hâte de manger enfin un bon croissant tout frais, trempé dans un café noir en rentrant à Paris.

Il continua à l'observer se tordre dans tous les sens.

Avait-il fait le bon choix de la déraciner du sous-sol voire du showroom ?

‑ Dites-moi Laure, vous, vous, plaisez bien dans votre nouveau bureau ?

‑ Votre machine à café personnelle est en panne ?

Laurette se sentit aussitôt gênée d'avoir changé de sujet aussi abruptement, cela pouvait fortement indisposer Tibère qui aurait pu penser que sa présence la dérangeait. Elle assuma cependant son comportement et malgré elle se repositionnait conformément à l'usage.

‑ Miss Colleens, a malencontreusement arraché le tuyau à l'arrière de la machine à expresso. Elle était très confuse, mais dans trois semaines, j'aurais enfin cette pièce détachée. Je parle du tuyau pas de Miss Colleens, cela va sans dire.

Il pouffa d'être sorti du cadre très coincé de sa fonction.

‑ Il n'est pas interdit de rire un peu. D'autant plus qu'en ce moment nous avons beaucoup de bonnes nouvelles chez BARNOY. Enfin, je ne voudrais pas trop en dire. Rajoutait-il.

Laurette s'esclaffa à son tour, les chaussettes de Noël de Tibère étaient mal assorties, l'une rouge, l'autre verte, une avec pompon, l'autre non.

Avait-elle fait l'impasse sur ce coté extra farfelu de son chef des ventes?

‑ Il y a beaucoup de travaux de prévus, je pense, non ?

‑ Ah, j'apprécie, vous avez l'œil, même si j'ai demandé la plus haute discrétion, effectivement, nous avons quelques travaux assez imposants à effectuer très prochainement. Vous n'en saurez pas plus que vos collègues à la réunion du personnel la semaine passée, vous étiez absente, il me semble. Il s'agissait juste de tous vous signaler qu'il y aurait du chambard.