Paris n'est jamais si loin

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Dix mois plus tard, New-York, 5 ième Avenue.

Levée dès 6 heures du matin, Laurette  avait pris un café  à l'arôme douçâtre dans sa cuisine démesurée. Elle se tenait à l'angle de l'immense baie vitrée de l'appartement qu'elle occupait avec Kane dans le quartier  de Manhattan. 

La petite française contemplait les hauteurs de New-York juchée sur ses hauts talons à la semelle rouge. Kane, lui,  sifflotait dans la salle de bain à l'autre bout de l'habitation.

Les amoureux, enfin bien installés, logeaient au 137e étage d'une tour ultra-moderne depuis déjà sept mois. 

Laure ne manquait de rien matériellement, jamais, elle n'aurait pu croire à un tel bouleversement dans sa vie. Elle se souvint de la toute première fois où elle avait passé la porte de La Maison Barnoy. Aussitôt, elle ressentit des milliers de papillons s'élever en elle. Son cœur qui se mit à vibrer à la pensée de Kane au travers des rayons de ce grand magasin et à la façon désinvolte dont elle avait décrit son coup de foudre à sa mère la fit sourire. Ses rapides responsabilités au sein de la joaillerie lui donnèrent le vertige et ses collègues, tous si attachants avaient sans nul doute contribués à son ascension. 

Oui, elle avait été jalouse, oui parfois, elle avait manqué de patience mais rien n'arrivait à ternir ces images. Elle avait eu beaucoup de chance.


Alors que son compagnon venait la rejoindre à la lueur d'un premier rayon de soleil, elle lui demandait passivement si la vue en surplomb des grosses artères du centre le satisfaisait.

Kane, à son tour,  observait au dessus de son épaule le panorama imprenable à 180°, une longue ligne blanche et lumineuse se traçait dans un ciel sans nuage au dessus d'eux. 

- Pourquoi tu ne m'as jamais dévoilé, Kanaggy, ton prénom Hawaïen dans son entièreté? Tu me caches encore beaucoup de choses?

Après un temps d'hésitation, il lui adressait d'une voix délicate.

- Cela a son importance de si petits détails?

Puis, il la serra dans ses bras avant même qu'elle ne puisse lui répondre,  il l'embrassait longuement avec passion tout en appuyant avec habileté sur la télécommande du store principal. 

- Prenons du temps, rien que pour nous.


La 5ième Avenue, New-york, 9 h du matin.

Accompagnée de son assistante, Laurette arrangeait la magistrale vitrine du magasin de la 5e avenue.

Ici, tout n'était que grandiloquence, hauteur, démesure, faste. Elle appliquait avec cœur ce qu'elle avait appris à Paris, au sein de la très chère Maison BARNOY. Un savoir-faire à la Française faisait éclat de ce coté de la grande avenue.

A l'extérieur, les trottoirs grouillaient de monde et la mégapole grondait du mouvement incessant des véhicules et de sirènes intempestives.

Dans les locaux de la BRD'S de New-York, le calme régnait et à cet instant,  la radio diffusait en sourdine les informations du jour. Laurette y prêtait une oreille peu attentive alors que le mot « Braquage » lui fit perdre tous ses moyens. Montée sur l'escabeau, la rivière de diamants lui glissait malencontreusement des mains.

Avait-elle bien entendu ?

Le « Quatuor plus Deluxe » a encore frappé dans le centre de New-York, cette fois-ci. La plus grande bijouterie de la City brille par le vide de ses vitrines ».

Laurette s'empressait de monter aux étages prévenir Kane.

Oui, mon amour, on vient de me prévenir, fort heureusement ce n'est pas nous cette fois-ci !

Un long soupir de soulagement s'ensuivit.

Laurette se prenait à observer Kane alors qu'il avait déjà repris sa discussion au téléphone.

Se plaisait-il autant qu'il voulait l'en laisser paraître, tout le temps en costume à toujours travailler plus ?

Paris, le pub, Deauville, la moto sur les pavés tout devait lui manquer même les vrais croissants chauds.

Comme Laurette, il devait avoir le mal du pays, d'autant plus que Mimi et Ricardo, malgré les promesses, tardaient à les rejoindre.

Elle aimait tant prendre le train, discuter avec ceux de l'atelier, se promener dans les grands magasins, elle adorait la mode et la manière de vivre à la Française, Lucibelle, elle-même, arrivait à lui manquer.

‑ Laure ? Un pli pour vous en bas ! Prévenait son assistante.

- J'arrive tout de suite.

Qui vous a donné ce courrier?

‑ Je ne sais pas Madame, un homme avec une casquette de marin Français, il m'a donné cent dollars tout frais, là en face , il attendait je ne sais quoi. Je voulais refuser mais il a déguerpi aussi sec.


"Laurette,

J'espère que tu vis les choses à fond.

Sans oubli et à jamais.

Mille Pomona, mille framboises.

Nemo."


Elle retournait à l'étage du dessus et retrouvait Kane dans son bureau. Aussitôt, elle scrutait à la fenêtre le contrebas de la longue avenue à perte de vue.

Sur la 5 ième Avenue au loin, Nemo sautait à l'avant d'une décapotable et glissait un dernier regard vers les vitres de la DRB's Haute joaillerie à la Française. 

Ils étaient là, tous les cinq "Le Quatuor plus Deluxe". 

Sans plus attendre, Osama braquait le volant et partait en trombe.

Elle laissa glisser sa main sur la vitre, déjà le bolide disparaissait entre deux énormes buildings.

Kane fut très intrigué par l'attitude de Laurette et vint la rejoindre près de la baie vitrée. 

-  Oui, il viennent de faire un coup, Nemo a toujours fait partie du Quatuor plus Deluxe. Un jour j'ai surpris Osama lui dire « Tu vas faire tout foirer!». Je n'avais pas compris sur le moment mais Nemo était très épris de toi. C'est lui qui était en repérages. C'était lui le braqueur de Cœur!

- Kane, sois plus sûr de notre amour...,  Puis après un instant, désemparée, elle ajoutait, c'est vrai que Paris me manque tant.

- Justement, je voulais t'annoncer que je viens d'avoir la famille au téléphone, nous retournerons à Paris pour les fêtes de fin d'année, tout est réglé.

Il la serra très fort dans ses bras, si fort que tous deux refermèrent le tiroir du bureau que Kane avait dû ouvrir quelques instants auparavant.

A l'intérieur de ce tiroir se trouvait chacune des boules à neige achetées au « Nouveau Marché » un an et demi plus tôt.

Les flocons ne cessaient de tourbillonner sur les amoureux assis sur un banc, au plein cœur de Paris.

Fin(avec une framboise dedans).

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant