Mi-figue mi-raisin

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Laurette était encore toute troublée d'avoir aperçu l'inconnu du « Nouveau Marché».

‑ Je te sens ailleurs, Laulau, je pensais que tu serais pleine d'énergie. Je commande deux grenadines ou deux cocktails bien forts aux courants des îles ?

‑ Comme tu veux.

‑ Oh, tu es sûre de bien aller ?

Laurette venait de voir comme « la belle bleue » au feu d'artifice, celle qui explose plus que les autres en un boum infernal ! Son rythme cardiaque ne se calmait pas et elle devait affronter le regard de sa nouvelle amie.

‑ Tu, tu connais, ceux qui sont sortis du « Jules Verne » quand on essayait de rentrer ? Balbutia-t-elle.

‑ Ah, c'est l'équipe de chez RIVERTZ. Pas de quoi se pâmer.

‑ Tous ces gens ?

‑ Je ne les ai pas tous vus, les trois crétins en premier, oui. Et tu vois là, la rousse au Spritz, s'en est une aussi.

Laurette observa cette fille. Il est sûre qu'elle avait une certaine classe la RIVERTZ. Les jambes croisées et le coude sur la table, elle avait fine allure et sa façon de caresser sa bouche en disait long sur elle.

‑ ...pas de quoi en faire un plat. Continuait de dire, Élise.

Laurette s'en voulut de ne pas avoir écouté les deux dernières minutes tant elle était perdue dans ses questionnements, mais dans la confusion du pub, elle se sentit excusée par sa nouvelle amie.

‑ Vous allez souvent ici, vous du showroom ?

‑ Parfois...en tout cas, cette fille, on a bossé ensemble dans la haute maroquinerie, elle a eu une liaison avec le boss. Une arriviste, elle a fini par se faire virer. Qu'est-ce que tu avais donc à me dire d'important ?

‑ Tibère m'a appelé dans son bureau. Annonçait-elle, encore chamboulée.

‑ Oh, cette blague, tu dois lui plaire.

‑ Non, sérieusement, on va mettre en place un concours créatif. Tout le monde peut y participer.

‑ Tu veux dire tous les salariés? Même l'agent de sécurité ? La femme de ménage ?

‑ Bien entendu, c'est afin de nous rapprocher tous, une sorte de corporation game, je pense.

‑ C'est bien une idée du Tibère, ça ! C'est plutôt parce qu'ils sont aux abois. Ringards, si tu veux. Dépassés, si tu préfères. Là-haut chez les dirigeants, ils se sont reposés sur leurs lauriers. Elle pouffait à n'en plus finir.

- Bien sûr, cela doit rester entre nous, les BARNOY. Il ne faudrait pas que ça arrive aux oreilles des RIVERTZ.

- PFFF ! Avait craché Élise, ces idiots sous-traitent leurs créations. Un obscur cabinet d'étude offshore.

Elle éclatait de rire à nouveau, sérieusement étourdie par son cocktail aux courants des îles.

***

Laure rentrait chez elle, avec une espèce de sentiment mi-figue mi-raisin. Elle n'arrivait pas à savoir si ce concours créatif plaisait à Élise, si elle pensait réellement ce qu'elle proférait ou même si cette fille deviendrait réellement son amie.

Elle restait profondément imprégnée par la silhouette masculine du pub et n'avait pas eu la force de lui en toucher un mot.

De toute façon, le connaissait-elle ce motard?

Et si cette rousse était la raison de la présence de l'inconnu au pub ?

Tant de choses traversaient l'esprit de Laurette, elle se sentit fatiguée de trop penser et n'avait plus qu'une attente, se retrouver seule dans sa chambre et secouer à n'en plus finir sa boule de Noël.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant