Ainsi va la vie !

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Le train de 19h20 serait bien trop long à attendre, celui d'avant s'évanouissait déjà dans la nuit alors que Laurette avait grimpé la toute dernière marche de la gare.

Elle le regardait s'effacer jusqu'au dernier instant, seule sur le quai.

- Autant marcher un peu dans les rues de Paris, s'éloigner des artères principales et découvrir le vrai monde, celui de la rue, loin des scintillements surfaits de la place des Dômes. S'encouragea-t-elle à penser.

Son cœur était encore bien lourd, elle essayait d'évacuer les images perturbantes de son esprit.

Elle seule s'était mise dans cette situation. Elle ne pouvait blâmer personne d'autre.

Celui dont elle ne connaissait pas même le prénom et qui ne lui avait fait aucune promesse, semblait l'avoir trahi. C'est ce qu'elle ressentait au fond de l'estomac, à présent.

- Juste un sourire, juste un sourire, aucune promesse ! Se raisonnait-elle.

Rien qu'à se souvenir de tant d'images, son cœur saignait à nouveau. Les deux « Pomona, Mon amour » avaient été servi pour eux deux, rien que pour eux, la rousse de malheur et son biker de chevalier servant.

Dans le dédale des rues de Paris, heureusement, son souffle avait repris à un rythme plus régulier, la marche opérait déjà ses bienfaits salutaires. En traversant le petit marché aux sapins, l'odeur de la sève la réconforta, elle fermait les yeux pour en profiter pleinement.

Les commerces des petites rues de la capitale avaient doublé de trésors en vitrine. Certains affichaient des décorations faites mains, beaucoup de cartons, beaucoup de récupérations d'objets.

Des Pères Noël articulés, des étoiles en papiers brillants, des rennes, tant de magie...

Le vague à l'âme la pénétra de nouveau. Elle ne devait pas se laisser détruire par une relation fantôme construite sur du vent, comme celui qui soulevait ces feuilles mortes au-devant de ses pas.

Encore une rue et elle arriverait trois stations plus loin que d'habitude.

Au pied de la nouvelle gare, elle découvrit une vieille dame qui tendait sa main. Elle scandait que les hommes avaient été le grand déboire de sa vie. Elle gémissait et répétait toujours les mêmes mots.

Elle interpella Laurette parmi tant d'autres individus.

- Auriez-vous une petite pièce, ma jolie Mademoiselle ?

Laurette s'approcha de la femme âgée, quelque chose en elle lui rappelait sa mère. Des cheveux en bataille, une gouaille à la titi parisienne, un sourire sans attente de retour.

‑ Vous devriez vous mettre au chaud dans la gare, ce n'est pas raisonnable de rester au milieu des courants d'air.

‑ Non, je reste là ! Là-haut, il y a les hommes, je ne veux pas qu'ils m'ennuient. Dites Mademoiselle, rien qu'une petite pièce.

Laurette lui glissait quelques pièces sur son manteau et poursuivit son chemin.

‑ Aimez ceux qui méritent votre amour, lui fit-elle de loin et elle reprit aussitôt la même litanie.

Laurette hésita, après quelques pas dans le sens inverse, elle offrit à la dame son étole. Ensuite, elle courut sur le quai pour ne pas rater le précieux train.

En bonne place dans la rame, Laurette gardait en elle l'image de cette rencontre. Elle saluait la hargne de cette femme. Elle ne connaissait rien de son histoire, simplement, ses mots retentissaient en elle, comme une cloche tinte pour réunir les bonnes âmes.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant