Seule au pub

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Oui, Tibère se tenait là, tout droit, comme à l'accoutumée.

Il avait vu l'adolescente galoper dans tout le showroom, il avait vu sa troisième vendeuse, en panique et ne plus maîtriser la situation.

Au moment de regagner le vestiaire, Laurette passait entre l'Aquarium et le bureau de Tibère, d'un bref regard, elle aperçut l'urne décorée qui n'attendait plus que sa propre soumission.

Encore fière d'avoir vendu un « Bradley », elle pressait le pas et vérifiait que personne ne l'observa du haut de l'aquarium.

- Mademoiselle Minois ?

Tibère, hiératique, l'avait suivi et comme elle avait bien dépassé l'urne, il l'interpella à nouveau.

- Je tenais à vous féliciter pour cette dernière vente. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience, c'est la raison pour laquelle je ne suis pas intervenu. Même si je pense que vous avez manqué de discrétion quant à la divulgation du nom de Lucibelle.

Rien qu'à l'évocation du nom de la fameuse vedette, son regard s'illumina. On comprenait que la venue de Lucibelle dans les locaux de BARNOY maintenait toujours son effet sur Tibère.

- Vous comprenez si nous pouvions encore garder secret cette visite à moins que Lucibelle ne décide par elle-même de divulguer le nom de son bijoutier préféré.

- ?

- Enfin ce n'est pas pour ça que je vous ai appelé, je voulais vous demander si vous aviez travaillé sur votre création. Ce concours a beaucoup de succès et je me félicite d'avoir réussi à fédérer toutes les équipes de BARNOY.

Stupéfaite que son chef des ventes se tire la couverture à lui seul, elle lui rétorquait de but en blanc.

‑ Pour ce qui est de ma création, elle ne demande qu'à être glissée dans la fente de votre votre chalet, je peaufine les derniers arrangements. Concernant Lucibelle, il faut laisser les choses se faire naturellement, ce genre de femme aime que l'on parle d'elle, non ?

Après un temps d'hésitation, il lui répondit.

‑ Vous avez sans doute raison, Mademoiselle Minois. Right ! Il claqua ses talons,

ses mains croisées sur sa poitrine, il semblait souhaiter « Pourvu qu'elle ait raison » ! Et la laissa filer.

À peine fût-il déguerpi, que la deuxième vendeuse vint rejoindre Laurette au vestiaire pour s'enquérir de l'humeur de Tibère.

‑ Pfew! Quel cran tu as pour t'adresser à Tibère ! Je pensais qu'il voulait t'enguirlander pour le manège de la petite, je t'ai fait signe mais tu as réussi à la calmer cette sale môme.

- Tu as présenté un projet, toi, à ce fameux concours de création pour Noël ?

‑ Non, comme presque personne au showroom, cette manœuvre, c'est pour nous occuper l'esprit pendant ce temps-là, on ne pose pas de question sur les changements en cours.

‑ Les changements, quels changements ?

Laurette pâlit, cette fameuse restructuration ! Elle aurait aimé démêler cet imbroglio d'informations glané un peu partout à chaque fois mais elle ne voulait surtout pas passer pour quelqu'un de trop fouineur.

‑ On verra, je file, pas le temps de discuter.

La vendeuse avait juste changé ses chaussures et disparaissait par le local sécurité, sous les yeux d' Osama, le chef de la sécurité.

- Pour vivre heureux, restons discret ! Lui rétorqua aussi sec la troisième vendeuse.

Laurette prenait très au sérieux la remarque de Tibère même si elle avait réagi avec détachement. Dans ce milieu collet monté, il vaut mieux faire profil bas. Elle se félicitait par la même de s'être pas trop épanchée sur ses intuitions à sa collègue.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant