Sans sourciller, elle lui adressait, malgré une grande panique intérieure, quelques mots improvisés dans l'urgence.
‑ Vous, vous aimez les classiques... Moi aussi, je ne lis que ça!
‑ Pas forcément, avait-il répondu dans un large sourire, la tête penchée pour découvrir les lectures de Laurette, j'aime les belles histoires d'amour, voilà tout.
‑ Suis-je bête, pensa-t-elle, je ne lis pas que des classiques, j'ai d'ailleurs adoré le dernier Guillaume Bessin.
Elle essayait tant bien que mal de dissimuler le rouge qui lui montait aux joues.
Impossible pour Laurette de relever sa tête, son trouble serait bien trop visible. Rien ne devait laisser entrevoir son attirance pour ce séduisant jeune homme à l'allure de dandy biker. Heureusement la lumière tamisée de ce coté du salon lecture lui rendit fort service.
‑ Vous en avez soulevé des feuilles, l'autre jour près du kiosque à journaux avec votre moto. Bredouillait-elle, trop émue.
Elle voulait orienter la discussion sur la passion apparente du bel homme.
En vain.
‑ Vous en soulevez bien plus ici, aujourd'hui, depuis que je vous observe de derrière cette pile.
‑ Comment ça?
‑ Vous soulevez bien plus de feuilles ici, à la bibliothèque.
‑ Mince. Pensât-elle, il va me prendre pour une terrible cruche. Il parle de littérature, pourvu qu'il n'insiste pas trop sinon, il me fera perdre mes moyens. De qui est « La dame de Monsoreau » au fait?
Elle chercha dans ses méninges si elle l'avait étudié en classe, quelques années auparavant et se pencha à son tour pour entrevoir le nom de l'auteur sur la tranche du livre qu'il portait désormais entre ses mains.
‑ Ah ! s'écria-t-elle, Alexandre Dumas, ça nous transporte !
‑ Je viens tout juste de finir « Le comte de Monté Cristo », l'histoire est si prenante. Qu'en penses-tu ?
- J'ai vu ça à la télévision, un très bon film d'ailleurs.
Elle n'arrivait toujours pas à lever son visage car ses pommettes avaient rougi et son souffle, qu'elle se forçait de retenir, pouvait traduire un grand trouble.
‑ CHUUUT! fit la vieille dame tout près d'eux. La mamie laissait sans vergogne son regard détailler la tenue du motard et trouvait un point d'arrêt sur la grosse college du jeune homme. Silence enfin ou j'appelle la bibliothécaire en cheffe ! C'est un monde tout de même !
Tous deux pouffèrent alors que la bibliothécaire haute comme trois pommes rognées jusqu'aux trognons, arrivait vers eux.
‑ C'est le moment pour moi de vous laisser, Laure.
‑ Attendez, je, je ne connais pas votre prénom, moi c'est...
‑ Chuut alors, nom de nom! Fit l'autre personne âgée sur la gauche.
Il portait son doigt à sa bouche en signe de silence et clignait de l'œil. Laurette avait enfin réussi à lever son visage. Une rage intérieure s'élevait en elle dans une tornade de sang glacé. Ses nerfs la laissèrent figée comme une statue de pierre.
Il lui fallait se rendre à l'évidence, la silhouette du beau motard avait disparu dans les rayonnages. Probablement entre le rayon des amours torrides et celui de la grande histoire du banditisme.
Quelle frustration de ne pas en savoir plus sur lui !
Cette attente pour le revoir serait insupportable à présent. Des occasions comme ça ne se présentent pas tous les quatre matins, par quel ordre des choses les occasions comme celle-ci se délitent-elles en un rien de temps ?
VOUS LISEZ
De cœur ou de carats
RomanceLaure Minois, tout juste recrutée au sein de "La Maison BARNOY" paraît peu ambitieuse en acceptant une place à l'atelier plutôt qu'au showroom. Pourtant, elle sera vite remarquée par la direction de la joaillerie de la Place des Dômes. Son ascensio...