Une ivresse sentimentale

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Laurette se mit à l'écart pour profiter au mieux du concert. De loin, elle ne voyait que les musiciens et le chanteur. Elle ne se lassait de tirer avantage de sa position reculée. Kane dégageait un tel charisme.

Elle était si heureuse de lui plaire.

Enfin, l'avait-elle réellement séduit ?

Ce genre de garçon ne s'engage pas facilement sur les pentes vertigineuses de l'amour. Cette réflexion dévastait Laurette.

Évidement qu'il est séduit ! lui auraient crié Mimi et Ricardo.

Pourtant, elle enrageait de voir toutes ces filles lui faire les yeux doux et sa position de leader de groupe n'en finirait pas d'en faire pâmer plus d'une.

Laure, pourquoi t'éloignes-tu de tous?

Benoît de Belmont lui faisait face, occultant de ses fortes épaules toute la scène.

Nous aurions pu boire un verre ensemble, car la réunion a capoté. Rajoutait-il

‑ Capoté ? Drôle de terme.

‑ Oui, enfin, Monsieur BARNOY a disjoncté, trop de changements d'un seul coup.

‑ Bon, écoute Benoît, je n'ai pas envie de parler travail, ici, ce soir.

‑ Eva, cette Eva, Laure tu ne devrais pas traîner avec cette fille, c'est une peste de la pire sorte.

Tu m'agaces, Benoît!

Mais, tu ne fais rien que de m'ignorer, depuis l'autre fois...

‑ Doucement Benoît, tu as bu plus qu'il n'est acceptable ! S'insurgeait-elle en le repoussant.

‑ Je t'ai vu parler avec le Demongeois, tu penses viser plus haut ?

Tu me fatigues sérieusement avec tes allusions, qu'est-ce que tu imagines, sombre idiot, c'est usant à la fin !

‑ Ce n'est certainement pas en jouant les Saintes nitouches que ...

Un rappel de la gifle de l'autre jour sur la joue de Benoît de Belmont aurait soulagé Laurette pourtant, elle fit preuve de patience et le laissait déblatérer ses âneries à n'en plus finir. Enfin, elle s'échappait vers la porte arrière du pub, le cœur douloureux. Elle avait gardé en elle la toute dernière image de Kane.

Celle d'un Kane qui la cherchait sauvagement du regard. 

Elle avait fait le choix de s'éclipser, préservant sa santé, avant que Lucibelle n'arrive, avant qu'Eva ou une autre n'entreprennent de lui voler son rêve.

«Suis doucement la rivière qui coule à flots» ? Elle a prononcé un truc du genre la dame au showroom? Elle n'en savait plus rien.

Sur la grande place en plein marché de Noël, Laurette se reposait. Le petit village alpin restait sommairement allumé de petites lumières, telles des lucioles, il n'y avait pas un chat. Cet endroit était plus qu'apaisant, d'autant plus qu'une playlist beaucoup plus douce faisait écho entre chaque immeuble. Le concert avait fait une pause et Laurette en profitait pour annoncer à Mimi, sur sa messagerie, qu'elle préférait rentrer, tout en omettant de lui faire part de sa panique et son souci cardiaque.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant