De cœur ou de carats

Brillante perdante

Tibère, le chef des ventes, était venu annoncer avec ferveur le nom des gagnants dans la salle de réunion à 17 h, ce lundi après-midi.

Le concours créatif avait eu un immense succès et les membres de la direction s'en félicitaient, c'était inespéré que tant de candidatures différentes se soient toutes entassées dans la boite de Noël.

Ils étaient là, même ceux qui n'avaient pas participé, poussés par la curiosité ou voulant prendre part à la dégustation du buffet gracieusement déployé tout au fond de la pièce.

Petits fours, choux divers, du salé, du sucré, tout était parti si vite que certains, à peu de choses près, allaient rater la divulgation du nom des gagnants, de l'autre côté de la pièce.

3e prix : Arlette Lamarre pour « L'étoile de minuit »

2e prix : Élise Duchemin pour « Histoire d'un soir »

1er prix : Benoit De Belmont pour « Un cœur enneigé »

Le jury des bureaux et une délégation de l'école de joaillerie étaient montés sur une petite estrade pour présenter à tous la version numérique de chacun des bijoux. Une exposition du reste des soumissions s'affichait sur un mur afin que chacun puisse découvrir les œuvres participantes.

La cérémonie avait été un véritable succès et dans un brouhaha de discussions diverses Laurette se sentit désespérément seule.

Un détail n'échappait pas à Mado cependant et elle ne se gênait pas de le faire remarquer à haute voix.

‑ Il y a un gagnant pour chaque service...

Il y eut un bourdonnement de chuchotements au travers de la grande pièce de réception.

‑ Je félicite donc, ma collègue Arlette, pour son « étoile de minuit », vive Arlette! Clama Mado.

‑ Vive Arlette! Reprenaient en cœur les salariés de l'atelier en surnombre par rapport à ceux des bureaux.

Chaque membre du bas congratulait Arlette qui, intimidé, se faisait toute petite.

‑ Tu sais que tu vas passer le week-end dans un palace Arlette, qui c'est qui va t'accompagner ? Lui demandait Mado.

‑ J'y ai pas pensé, peut-être rien que mon chien mais attention, il sera traité comme un prince, mon « Totor ».

Même si Arlette était très flattée d'avoir été sélectionnée, elle avait encore du mal à se faire à cette idée d'être mise en lumière et surtout d'être rentrée dans le jeu de son employeur.

Parmi l'assemblée, il y en avait bien deux autres qui se pavanaient.

Élise et Benoît étaient montés sur l'estrade, ils entamaient un petit discours improvisé.

En aparté, Élise avait prétendu que Benoît de Belmont avait des appuis et qu'il aurait pu facilement en tirer avantage. Et certains avaient pensé que la deuxième vendeuse avait peut-être profité de son charme convaincant pour atteindre la seconde place.

Était-il si improvisé ce discours en duo finalement?

Sur ce point, Laurette avait des doutes, elle se sentait bienheureuse d'avoir été disqualifiée de ce concours par la force des choses.

Elle avait été repérée par Lucibelle, la star, et depuis qu'elle avait fait sa connaissance, elle avait dans l'idée que c'était tout aussi honorable. Seulement, tout ceci devait rester secret et à cet instant, elle devait afficher une allure de perdante au milieu de tout ce monde.

C'est la raison pour laquelle, elle baissait la tête depuis le début de la cérémonie. Il valait mieux se faufiler vers les différentes soumissions affichées sur le mur.