La place des dômes toute recouverte de neige ressemblait plus au Palais féerique d'un parc d'attraction au cœur de l'hiver, qu'à une célèbre place de Paris.
La circulation y était interdite, depuis le début de la semaine. Ce qui laissait libre cours aux légers flocons pour s'accumuler en tapis soyeux sur l'étendue de la large place. Tandis que l'éclairage public, en fonction depuis la veille au soir, laissait apparaître un paysage insolite, digne d'une station des Alpes, les piétons, eux, laissaient leurs premières traces se dessiner dans la poudre immaculée.
A huit heures du matin, l'incroyable acoustique rendait presque animales les conversations humaines et les premiers cris d'enfants raisonnaient doucement sur les différentes façades des bijouteries de luxe.
Laurette s'activait pour rejoindre la place à pied. Par chance, elle avait réussi à sauter dans le dernier RER avant que celui-ci ne se soit bloqué pour une bonne partie de la journée, en raison de la météo.
Les grands boulevards, sous la neige, valaient largement le détour.
Emmitouflée dans une grosse parka qui ne laissait apparaître que son nez, elle descendait la large avenue, pensant qu'après tout, il y aurait une grosse absence dans les bureaux, l'atelier et le showroom. Elle pourrait donc se permettre un peu de retard.
Avec l'âge, elle n'avait rien perdu de sa capacité à s'émerveiller de tout et de rien.
Elle stoppa sur la vitrine du « Nouveau Marché ».
Les automates, cette année, avaient pour thème la nativité dans l'espace.
C'était la première fois qu'elle apercevait un Père Noël en combinaison spatiale.
Lucibelle, scotchée grandeur nature sur la vitrine, arborait un costume argenté ultra moulant et tenait son casque sur la hanche, ce qui lui évitait de décoiffer son impeccable brushing.
Les photos de l'inauguration attiraient toute une foule, les commentaires fusaient de ci, de là.
Une impression de connaître l'objet de cette ferveur flatta Laurette jusqu'au moment où elle se souvint de son refus de céder les droits de sa création à cette capricieuse Lucibelle.
Pas question pour elle de rentrer dans le jeu superficiel de cette poupée des médias.
Elle attendait beaucoup plus de son art.
S'était-elle trompée ?
Son investissement des derniers mois partait en fumée. Jamais plus elle ne ferait autant de concessions pour un employeur qui avait fait preuve de si peu de considération pour sa création.
Bien sûr, elle était fière que son logo soit choisi en haut lieu, mais celui-ci serait, à ses yeux, bradé pour un effet de mode éphémère.
‑ Les tendances font un feu de paille aujourd'hui. Mimi ne cessait de le dire.
Ce qu'elle recherchait, c'était une signature BARNOY et non un gimmick temporaire.
L'envie de trouver satisfaction ailleurs lui revint d'un seul coup.
Heureusement que la vie provoque des remous pour qu'on s'accroche à ce qu'il y a de plus beau, les sentiments.
‑ Les romantiques sans espoir sont de tristes gens, songea-t-elle. Alors qu'elle avait déjà parcouru six kilomètres à pieds dans la neige de ce début de décembre. L'air frais lui donnait un coup de fouet revigorant et de nouvelles pensées naissaient en elle.
VOUS LISEZ
De cœur ou de carats
RomansaLaure Minois, tout juste recrutée au sein de "La Maison BARNOY" paraît peu ambitieuse en acceptant une place à l'atelier plutôt qu'au showroom. Pourtant, elle sera vite remarquée par la direction de la joaillerie de la Place des Dômes. Son ascensio...