De cœur ou de carats

Coule la rivière

Laurette avait téléphoné à Élise, car celle-ci ne donnait pas de nouvelles depuis son arrêt pour raison de santé. Elle souffrait d'un burn-out, du moins dans la version officielle.

La deuxième vendeuse en titre du showroom n'en démordait pas, elle avait encore quelques rancœurs envers Tibère et s'était gardée de se plaindre qu'elle n'avait pas été choisie pour aller au « Nouveau Marché» commander les décorations de Noël.

Elle avait dû en souffrir car elle faisait partie du personnel depuis trois ans alors que Laurette était fraîchement embauchée.

A aucun moment, elle n'avait fait part d'animosités directement envers Laurette.

Alors, pourquoi s'emporter et menacer de partir pour RIVERTZ, les concurrents ?

Aura-t-elle fait des avances à son chef du showroom comme le soupçonnait Benoît de Belmont du service création de BARNOY?

‑ Tiens donc ! Celui-ci n'est pas en reste, il faudra qu'il m'explique pourquoi le bracelet Milady, qu'il a gagné au concours, se retrouve sur le poignet de cette diva d'Eva ? Pensa Laurette alors qu'elle s'apprêtait à recevoir sa première cliente du matin.

‑ Une montre ? Très bien, allons voir celle qui déclenchera votre coup de cœur, Chère Madame.

Elle s'empara de la clef désactivant l'alarme du caisson en verre des vitrines.

‑ Une montre pour homme, Madame ?

‑ Non, pour femme, pour ma mère. Je veux quelque chose de simple, mais qui fasse son effet tout de même. Vous allez m'aider à choisir ? Avait demandé la petite dame.

‑ Exactement, je suis là pour ça.

Alors qu'elle se retournait, Laurette aperçue du mouvement sur la place, plus que d'habitude.

C'était devenu un rituel pour elle de toujours glisser un regard sur la rue pour ne pas se laisser surprendre par la venue de Kane au showroom.

Si cela se produisait, elle préférait être à son avantage, se recoiffant et soignant sa présentation de grandes tapes sur son uniforme. Ce qu'elle fit en un clin d'œil alors qu'elle attendait que la charmante dame ne repère deux, trois modèles.

Elle se rassura que seul sur la place, il n'y ait que des hommes habillés d'orange, cette tenue réglementaire en cas de travaux. Rien à voir avec Kane qui lui était toujours soit en costume avec un casque soit en biker des beaux quartiers.

‑ Je vous présente ces trois modèles, ils ont tous trois beaucoup de succès surtout celui avec le fermoir papillon à boucle invisible. Il a un B sur le dessus pour la maison BARNOY et on peut graver un message secret à l'intérieur... Attendez, j'en ai une en préparation.

Elle changea de clef et ouvrit le tiroir des commandes. Parmi les modèles, elle peina à trouver la pièce voulue quand enfin, elle lui sautait aux yeux.

- Vous voyez, sans trop d'apparat, elle est tout de même magnifique. Argumenta-t-elle et alors qu'elle essayait d'ouvrir avec délicatesse le fermoir papillon refermant un message secret, elle vit son apollon pénétrer dans le showroom, avec son casque de chantier orange sous le coude. Plus séduisant que jamais.

‑ Arghh ! Fit-elle s'étouffant à moitié.

- Oui, moi aussi je la trouve magnifique cette montre, ça me fait le même effet. La petite dame avait les yeux qui pétillaient.