Un jeu bien caché

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Lorsqu'elle grimpait le marchepied, elle se rendit compte que le train était une fois de plus bondé. Impossible de placer un pied devant l'autre. Elle fit alors de grandes enjambées faisant croire qu'elle était attendue de l'autre coté. En maintenant ses efforts, elle réussit à grappiller quelques mètres. Laurette trouvait place face à une jeune fille qu'elle avait déjà aperçu une fois ou deux auparavant.

A l'identique de Laurette, cette inconnue retournait vers sa proche banlieue, les images de sa journée en tête.

Avait-elle eu un week-end aussi émouvant que Laurette ?

Quoiqu'il en soit, au long du voyage vers leur domicile, elles s'étaient toutes deux assoupies.

Laurette tergiversait au sujet du message qu'elle enverrait à Kane même si celui-ci avait peu de chance d'être lu avant ces quatre jours. Tout s'embrouillait dans sa tête dès qu'il s'agissait d'écrire chaque phrase, chaque lettre, chaque idée.

Plus qu'une seule gare et Laurette allait descendre. Elle gardait l'œil ouvert pour ne pas rater la station et entendit au fond, le contrôleur qui passait justement dans les rangées.

Pour l'instant, il était occupé à faire la morale à deux resquilleurs.

Si tout le monde faisait comme vous...

­ Tous les trains devraient être gratuits ! Déclamaient les deux marginaux que le scandale exaltait!

Mademoiselle ? Votre titre de transport, s'il vous plaît. Le deuxième contrôleur l'avait subitement troublée de sa torpeur.

Ah, la bonne lettre, ... heu...l'abonnement.

A demie somnolente, Laurette cherchait dans sa poche le sésame qui allait être vérifié par l'agent des chemins de fer.

Il devait être dans son sac, tout au fond. Le contrôleur attendait patiemment tout en observant les autres voyageurs.

J'arrive, Madame. Indiquait-il à une personne qui l'interpellait deux rangs plus loin.

Laurette avait enfin réussi à mettre la main sur sa carte de transport et la présenta sans rechigner.

­ -Très bien, Mademoiselle. C'est la descente, là, pour vous.

Le train ralentit et Laurette se leva en trombe. Elle n'avait pas trouvé le message romantique à envoyer à Kane. C'était la première fois qu'elle vivait un aussi grand amour et les mots décidément, avaient beaucoup de mal à venir. Vivre, ressentir c'est une chose mais coucher les mots sur papier ou sur écran, c'est tout autre.

La route me portera conseil. Se rassura-t-elle.

Sur le quai, elle dévisagea la jeune fille qui était en face d'elle pendant le trajet. Cette voyageuse lui faisait des gestes derrière la vitre. Laurette n'eut pas le temps de lui faire signe à son tour.

Elle avait encore huit cents mètres à marcher avant qu'elle ne se retrouve dans la rue de son domicile.

Je lui dis qu'il me manque ou que je compte les jours, ...Non trop bateau...Et lui, quel ton il a pris dans son dernier message à son arrivée, là-bas ? Pensait-elle alors qu'elle sautait à cloche pieds les flaques débordantes d'eau de pluie crasseuse.

Laurette parlait toute seule dans le noir. La rue était déserte alors elle improvisait maintenant une marelle sur le sol, arrivée au ciel, elle stoppait net.

De cœur ou de caratsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant