Voilà, c'était fait, elle l'avait à nouveau croisé dans le quartier, rien de ceci ne pouvait être le fruit du hasard. Les circonstances, une fois de plus jouaient contre elle. Il lui fallait arpenter à nouveau le grand boulevard. Enveloppée par le bleu des néons, ses vêtements trempés, l'âme désespérée, elle essayait d'accrocher son regard sur les décorations de Noël. Malgré l'écho des bavardages du pub qui persistaient à lui parvenir jusqu'aux oreilles, elle était bien déterminée à ne pas revenir sur ses pas.
Elle grelottait vigoureusement lorsqu'elle croisait la belle rousse de chez RIVERTZ, la fameuse bijouterie concurrente de la Maison BARNOY.
Laurette décidait de se décaler et rentrait un peu plus son visage dans son écharpe humide. Se mettre en travers d'"une RIVERTZ" n'était déjà pas très opportun, mais croiser possiblement sa rivale amoureuse était plus qu'elle ne pouvait le supporter.
‑ Bonsoir. Lui adressa la jeune femme.
‑ Bonsoir. Bredouillait Laurette en poursuivant sa marche.
‑ Hey, je te reconnais, tu es la petite de La Maison BARNOY ? Laure Minois ? Enchantée ! S'écriait-elle en se retournant après son passage.
La rousse tendait sa main chaleureusement. En réponse, Laurette présentait sa main glacée, tremblotante, elle avait à peine frôlé la paume de la jeune femme.
‑ Oh la la, mais tu es gelée. Chez RIVERTZ, on a le cœur chaud, tu sais. Je t'offre un verre si tu veux, au "Jules Verne", là.
Laurette venait à l'instant d'enfoncer son béret jusqu'aux sourcils, elle déclina avec froideur l'invitation.
‑ Une prochaine fois alors, je t'offrirai un cocktail, ils sont terribles. Je pense qu'on doit m'attendre, je te présenterai à des amis à une autre occasion.
La grosse doudoune et son ensemble bonnet et écharpe beiges ne laissaient entrevoir qu'une longue mèche rousse et ondulée. D'un geste précis, elle dévoila son visage terriblement radieux. La plantureuse rousse lui adressait un large sourire.
Sa voix au ton délicat désarmait Laurette qui se trouvait si godiche en sa présence.
Cette fille est divine, quel homme lui résisterait ?
A l'instant, la rousse lui adressait un sourire encore plus gracieux. Cette fille devait certainement s'attendre à plus de bonne volonté de la part de Laurette.
‑ Bon, tu meurs de froid et moi, il faut que je rentre à l'intérieur, une prochaine fois alors, promis. Au fait, moi, c'est Eva !
‑ Kane est là. Ils boiront un « Pomona, mon amour » ensemble. J'espère que les BARNOY feront un vacarme à tout casser et qu'ils perturberont leurs mamours. Marmonna-t-elle dépitée. Elle reprenait le bitume verglacé, la mine renfrognée par de mauvaises images.
Les premiers flocons de la soirée vinrent rafraîchir ses idées.
‑ Qui suis-je moi, pour vouloir briser un couple ? Après tout, c'est moi et moi seule qui m'invente cette romance.
La voluptueuse descente de la neige en un matelas moelleux apaisa ses doutes. Elle ne sentait plus le froid à ses pieds à mesure que ses talons crissaient par le tassement des cristaux sous ses pas.
Émerveillée par la nappe blanche qui recouvrait tous les trottoirs et la route habillée de pureté, elle stoppa net.
‑ Pourquoi toujours me défiler? J'aurais du affronter les BARNOY, j'aurais du voir Kane et Eva ensemble.
Elle parlait toute seule à haute voix et l'écho différent de sa voix dans la neige l'étonnait au point de prononcer plusieurs fois le prénom de Kane.
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De cœur ou de carats
RomanceLaure Minois, tout juste recrutée au sein de "La Maison BARNOY" paraît peu ambitieuse en acceptant une place à l'atelier plutôt qu'au showroom. Pourtant, elle sera vite remarquée par la direction de la joaillerie de la Place des Dômes. Son ascensio...