Chapitre 12 - Partie 2

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— Pourquoi lui ?

Sans agressivité ni accusation. Il posait une question et n'attendait qu'une réponse. Sincère. Je n'étais pas certain de comment la formuler ni même si elle conviendrait.

En fait non. J'aurais voulu y songer davantage, lire plus d'articles, plus de témoignages, savoir concrètement quoi faire. Mais personne ne possédait la bonne solution car en amour, il n'y avait pas de règles, sauf celles que l'on établissait.

— Tu dormais déjà et...

— Pas ça. Tu sais très bien de quoi je parle.

J'avais espéré y échapper encore un peu. Juste pour être sûr. Mais de quoi ? De faire le bon choix ? À ce carrefour sentimental, aucun panneau ne m'indiquait quelle voie était la bonne, celle qui menait assurément au bonheur. Exclure Isaac de ma vie m'était insupportable. Il avait toujours été là, depuis mes premiers souvenirs. De l'école primaire, à mes déboires avec mon frère, jusqu'à la signature de mon premier contrat d'édition, les moments les plus marquants de ma vie le comptaient forcément. Quant à Glen, il était mon confident, le complice de mes folies, mon permis d'évasion.

L'un comme l'autre m'était précieux. Aujourd'hui, ils étaient injustes. Avec moi. Envers eux.

— Je ne l'ai pas choisi, dis-je droit dans les yeux.

— Mais tu ne m'as pas choisi non plus.

Non. Je n'avais pas choisi. Ce qu'il me demandait était inenvisageable. Comme s'ils voulaient m'écarteler pour récupérer mon cœur en premier. Isaac ne l'exprimait pas de vive voix comme Glen, mais le diable se cachait dans les détails ; ses mimiques faciales, ses silences, le timbre de sa voix, l'intensité de son regard. C'était pire car je devais lire entre les lignes sans être certain de ce que j'en comprenais.

Dans les deux cas, ils étaient injustes avec moi. Je l'étais encore plus envers eux.

Je récupérai ma tasse fumante, décrochant des yeux de Glen. Elle me brûla la peau. La mousse beige dégageait une odeur alléchante. Douce et lisse, elle donnait envie d'y plonger ses lèvres, de s'enfermer dans cet instant nuageux, d'oublier tous ces mots imprononçables.

— Tu es si cruel, lâcha Glen dans un rire tout sauf joyeux.

Et ça me blessa.

— Quoi ?

La porte d'entrée s'ouvrit. Glen ne s'arrêta pas pour autant.

— À ne rien dire. À rester évasif. C'est encore pire que de te cacher nos sentiments.

Le bruit d'un sac en papier froissé me fit lever le nez. Sans nous regarder, Isaac retira sa veste et commenta :

— Il a raison. C'est désagréable de ne pas savoir sur quel pied danser, quand tu fréquentes l'un de nous puis que tu nous ignores.

— C-Ce n'était pas mon intention.

Loin de là même. Je baissai la tête, la réponse très certainement au fond de ma tasse. Ou pas.

On m'accusait d'être évasif mais j'avais cherché des réponses ; de qui Glen était amoureux, pour qui Isaac avait des sentiments, comment faire dans le cas où choisir n'était pas une option, avais-je le droit d'éprouver des doutes face aux sentiments tumultueux en moi, le polyamour existait-il vraiment ? Des réponses parfois découvertes sans y être préparé, qui m'étaient littéralement tombées dessus, quand d'autres manquaient encore. Pourquoi m'incomber de cette tâche, de ces sentiments qu'ils étouffaient visiblement depuis longtemps ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi en même temps ?

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant