Chapitre 35 - Partie 1

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J'avais fait le mur. Juste pour une note moyenne – mauvaise d'après papa et maman – j'étais puni. Puni de sorti chez Isaac. Alors que Tim pouvait y aller. Ce n'était pas juste. Vraiment pas juste. J'étais nul en géométrie. Et maman n'avait pas voulu m'aider. Elle m'avait dit de demander à Tim. Mais lui aussi il était nul, je le savais. Et je ne voulais pas de son aide. Lui ne demandait pas à Isaac de l'aider. Il le faisait tout seul. Je voulais aussi le faire tout seul.

Comme un grand.

Comme Isaac.

Mais le devoir était trop dur. La maîtresse trop sévère.

Alors non, ce n'était pas juste que je sois puni dans ma chambre quand Tim allait jouer chez Isaac. Moi aussi je voulais jouer chez lui. Je voulais voir Isaac, lui raconter comment j'étais trop fort en écriture, lui montrer mes derniers dessins et lui faire écouter comment je lisais comme un grand un livre du secondaire.

Sauf que maman m'avait puni.

Elle n'était même pas la vraie maman de Tim mais elle me punissait plus moi. Ce n'était vraiment, vraiment pas juste. Alors, j'avais pris la poudre d'escampette. Je m'étais fait pattes de velours avant de courir dans la rue jusqu'en haut de la pente. Le souffle court, la poitrine en feu et mes petites jambes en compote, j'avais repris des forces derrières un poteau. Puis, je m'étais jeté à l'assaut du pommier : direction la fenêtre d'Isaac.

Comme à chaque fois que je passais par-là, j'avais gratté à la vitre et attendu. Au bout d'un moment, mort de froid de par ma nuque humide et mes vêtements d'intérieurs, sans réponse de la part d'Isaac, je m'approchai de la fenêtre pour recommencer. Le vent ballotait la branche, plus mince à son extrémité. Agrippé de toutes mes forces, grelottant et engourdi, je m'impatientai et grattai à nouveau la vitre du bout de la branche.

Mais rien.

Ou peut-être que si.

Derrière les rideaux, deux silhouettes bougeaient. Un tableau d'ombres chinoises qui devint sonore lorsque le vent se tut, révélant une vérité cachée.

Un poignard en plein cœur.

Si assourdissant que je ne fis pas attention aux craquements sous mes fesses.

— Non ! Je ne veux pas que Lee vienne ici ! Il y en a que pour lui quand tu le vois ! Lee, Lee, et toujours Lee. Tu n'as que son nom à la bouche, Isaac ! Je vais croire que tu l'aimes plus que moi ! C'est ça ?! Tu aimes mon demi-frère ?! Répond Isaac.

Oui, répond s'il te plait.

— Dis-le !

M'aimes-tu ?

CRAC.

Je m'arrachai de ce rêve, ce souvenir, dans un sursaut. Mon cœur battait à tout rompre et j'inspirai à grandes gorgées. Une chair de poule recouvrait ma peau quand des maux de tête s'invitèrent à la fête. Une main sur mon crâne, je me rendis compte de mon geste, retraçant la cicatrice. Elle existait. Cette chute avait existé. Mais rien ne me garantissait l'exactitude de cette réminiscence. Que ces mots avait été dit. Ni ce qu'ils signifiaient réellement.

Je quittai mon lit après m'être calmé et filai sous la douche. L'eau emporta avec elle les traces physique de ce songe, mais hélas, pas celles de mon esprit. Sous mes paupières se rejouaient encore et encore ma dangereuse ascension, les ombres mouvantes derrière les rideaux, et la branche qui cède.

La chute.

Le vide prêt à m'engloutir.

La gravité qui retourna mon estomac.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant