Il était presque 20h30 lorsque je rentrais chez moi. Une bonne odeur embaumait l'appartement, de quoi faire gronder mon estomac. J'eus à peine le temps de faire deux pas que Glen m'accueillit pour me trainer jusqu'à la table.
— Tu as fait à manger ?
Un tablier autour de la taille, il retourna dans la partie cuisine pour s'occuper du plat sur le feu.
— Qu'est-ce que tu crois ? Qu'Isaac est le seul à savoir cuisiner ? Désolé de te l'apprendre, mais je suis au moins deux fois plus doué que lui.
Le rictus aux coins de ses lèvres était beaucoup trop subjectif pour que je ne capte pas le double sens. Je fixai mon assiette, comme si cette dernière allait pouvoir me sauver de la chaleur grandissante en moi. En réalité, je savais Glen capable de cuisiner. Il avait toujours été un garçon indépendant et plus que capable. Ses parents ne l'avaient jamais enfermé dans du papier de soie, mais plutôt encouragés à tester, expérimenter, tomber pour mieux se relever. Et aujourd'hui, Glen était un jeune homme en dernière année d'art à l'UCNA, avec quelques apparitions en exposition interne et un rêve. Un rêve qu'il assumait. Contrairement à moi. Je l'admirais pour ça, sa volonté à aller au bout des choses. La peinture ne faisait pas vivre. Malgré tout, Glen assurait qu'il en vivrait. Et je le croyais. Comment ne pas le croire quand il l'affirmait avec autant de conviction. Ce n'était pas une proposition, un « j'aimerais bien », c'était une vérité qu'il étalait aux yeux de tous, que cela plaise ou non. Mon courage n'égalait pas l'ombre du sien. Je terminai un diplôme pour devenir comptable. C'était une partie de la vérité. Seulement la surface d'un secret que ma mère ignorait, tout comme mes meilleurs amis. L'analyse financière, les placements, les redressements, les budgétisations et tout ce qui suivait, ça ne m'intéressait pas. Si j'avais pu choisir, je ne me serais pas endetté pour ce parcours universitaire.
Glen s'installa en face, le plat sur la table.
— Quoi ? Quelque chose ne va pas ?
— Hein ? Euh, non, rien.
Ses yeux s'étrécirent, accentuant leur forme en amande si particulière. On aurait pu croire, si nous étions en Asie, qu'un kitsune* se cachait derrière ce visage aux tons d'automne. Ce qui expliquerait bien des choses.
— Mange, avant que ça ne refroidisse.
Ce que nous fîmes tout en suivant les informations télévisées, puis un programme typique de Glen : la chaîne d'art.
Les mains dans l'évier à faire la vaisselle, lui accoudé sur le sofa, absorbé par l'émission qu'il regardait. Le torchon s'échoua sur le plan de travail. Je le délaissai pour m'approcher du sofa. Glen ne décrocha pas de la télé, attentif pourtant à ma présence.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Tu n'as pas pris ta douche.
Constatation de ses cheveux encore ponctués de peinture. Il renversa son visage vers l'arrière, capturant mes yeux des siens. Fait comme un rat.
— Tu m'aides ?
— Pour tes cheveux ?
Son regard ne me lâcha pas. Le silence s'étira, hors du temps. Un temps dont il était maître, conscient et habile. Je me faisais avoir à chaque fois. À moins que je ne me jetais dedans volontairement. Qui sait ?
La douche n'était pas pratique pour laver uniquement les cheveux de Glen. Souvent, nous faisions ça au-dessus du lavabo, parfois même dans l'évier de la cuisine pour avoir plus d'espace. La salle de bains ne permettait pas un espace vital personnel. S'y rendre à deux, c'était accepter que l'autre pénètre cette bulle intime propre à chacun. Ça ne m'avait jamais dérangé avec Glen ni Isaac. Ça ne me dérangeait pas ce soir-là non plus.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Romance« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...