La semaine s'était lentement écoulée jusqu'au vendredi soir. La sonnette m'interrompit et j'ouvris la porte sur une Rylan tout à fait excitée. Pénétrer dans l'antre d'un homme à l'emploi stable, indépendant, qui partage son amant avec son éternel rival et parle à ses plantes d'intérieur était visiblement une expérience qu'elle attendait avec plus d'entrain que me souhaiter un bon anniversaire.
— Eh bah ! Si je m'attendais à ça !
Je fis comme si je n'avais rien entendu et la laissai envahir l'appartement de son énergie débordante. Depuis la cuisine, Glen l'invita à entrer comme chez lui alors même que le propriétaire des lieux n'était pas rentré du travail. Une odeur appétissante flottait dans l'air et la vision de ma moitié aux fourneaux, un tablier autour de la taille, me donna une toute autre faim.
— Ouah ! La grande classe ! Glen qui cuisine dans l'appart' d'Isaac et pour l'anniv' de Lee, du jamais vu !
— Du jamais vu parce que tu n'es jamais venu, oui.
— À qui la faute ? Tu m'invites jamais. Même quand t'étais au fond du trou c'est moi qui d'vais enfoncer ta porte pour rentrer. Non mais quel ingrat !
Je lui fis les gros yeux, prêt à répliquer alors que Glen demandait davantage de détails. Comme si cette période, encore récente, méritait de revenir au cœur de nos conversation, tel un vieux souvenir dont on pouvait à présent parler en toute impunité. En vérité, elle était encore fragile, trop fraiche dans ma mémoire, au creux de mes entrailles. Rylan pouvait en rigoler avec Glen, lui balancer des détails sur la dégaine dans laquelle elle m'avait parfois retrouvé, mes grimaces lorsqu'elle s'essayait à la cuisine ou à préparer un latte, et même sur le nombre d'épis maximum qu'elle avait pu compter sur ma tête. Mais elle garda pour elle mes larmes, mes cris, mes silences, mes absences, mes insomnies et mes hypersomnies. Elle ne trouva rien d'amusant à dévoiler l'état dans lequel elle m'avait parfois ramassé. Ni nos éclats quand j'en avais assez d'elle, ni mon indifférence et mon acharnement soudain dans mes études. Les chiffres. Les comptes. Mon frère. Mon père. Ce qu'on attendait de moi. Mon nom. Celui que j'avais dans le sang. M'en déplaise. Tout ça, ces secrets, elle les tut. Précieux trésor fragile qu'elle avait à cœur de protéger. Je ne l'en remercierais jamais assez. Sans elle, sans ses mots parfois rudes et sans filtre, sa tête de mule, ses idées arrêtées, sa persévérance malgré mon caractère aléatoire, je n'en serais pas là.
Pas ici ce soir.
À accueillir Isaac qui s'était libéré plus tôt, en de grandes embrassades, des voix trop fortes, des rires, des boutades, un peu de chaos dans cet appartement bien rangé, trop ordonné.
Nous ne serions même pas en couple. Pas à trois. Pas ainsi.
Encore indécis peut-être.
Moi oui.
Mes hommes, toujours rivaux.
Peut-être même en train de se déchirer. Pour de vrai, pas comme maintenant, à savoir qui cuisinait mieux que l'autre.
Ce tableau, je l'embrassai avec amour. Et je remerciai mon ange gardien, ma rouquine adorée, mon amie la plus fidèle malgré le peu d'années en commun que nous avions. C'était comme ça, l'amitié aussi. Un coup de foudre et amis pour la vie. J'adorais Rylan comme j'adorais Glen et Isaac. Des amis avant tout. Des amants pour certains, une confidente pour l'autre.
Je mis la table en écoutant leurs rires, m'amusai de voir Isaac écarquiller les yeux face à la décontraction de Rylan qui visitait l'appartement sans gêne apparente. La télévision accompagnait cette musique que j'aimais tant, cette cacophonie pleine de joie et de bonheur simple.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Roman d'amour« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...