Chapitre 39

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Six mois plus tard.

 

Le soleil, aveuglant dans le ciel bleu sans nuage, chauffait l'air humide des dernières pluies. Les arbres jetaient des ombres où les plus sensibles se réfugiaient et cachaient les oiseaux chantant derrière leur feuillage vert. Le Quad et sa pelouse rasante, pullulait d'étudiants, d'étudiantes, de proches, petits et grands, d'enseignants, d'amis, de mentors et autres personnes jugées essentielles en ce jour de cérémonie. Un joyeux brouhaha se mélangeait à la vie du campus, en partie déserté en ce début de vacances d'été. Le dernier en tant qu'étudiant. Et bientôt, le premier comme adulte indépendant, travailleur fraichement diplômé, jeune et dynamique, dont la vie n'avait pas encore eu le temps d'éroder l'entrain et la passion.

— Lee, tourne-toi par-là. Voilà, comme ça. Souris.

— Maman, c'est au moins la millième photo que tu prends, râlai-je en me prêtant pourtant au jeu.

— Eh bien j'ai envie d'une mille et unième photo de mon fils.

Le « clic » de l'appareil photo retentit et je soupirai, les épaules en vrac. La cérémonie de diplôme ne concernait pas seulement ma promotion, mais une grande partie des dernières années. En comptabilité, nous étions une large minorité, contrairement au commerce, à la biologie, ou encore le département d'art et d'histoire de l'art. Je balayai la foule, une oreille distraite face à ma mère qui s'émouvait de me voir en toge et coiffe carré sur la tête. Malgré les cols colorés, différenciant les filières, mes yeux ne trouvèrent celui que je cherchais. Ce matin encore je m'étais réveillé à ses côtés, la peau moite, les cheveux humides et collé contre sa peau mordorée par la belle saison. J'avais croisé son regard, posé sur moi depuis un moment, et souris sous ses caresses le long de mon dos nu.

— Bonjour toi.

— Bonjour.

— Bien dormi ?

Comme toujours lorsque c'était dans ses bras. Sa tempérance n'avait pas duré et sans rejet de ma part, Glen s'était plu à me dévorer de baisers jusqu'à m'en faire perdre haleine. L'absence d'Isaac dans le lit nous avait poussé à nous consoler entre nous, quitte à croiser les joues rouges de la voisine dans l'ascenseur, en partant pour l'université. Elle nous croisait de plus en plus ces dernières semaines. Pour cause, nous vivions presque à trois dans l'appartement d'Isaac, même si parfois, surtout en semaine, c'était dans le mien. L'un comme l'autre était trop étroit pour trois hommes en couple. Que ce soit la salle de bains et surtout la chambre. Investir dans un lit plus large, surtout pour l'été, devenait nécessaire. Comme un plan de vie. Un schéma de projet commune réfléchi sur du long terme.

Un engagement.

Une promesse matérielle de continuer à nous aimer, à communiquer, à apprendre à se comprendre, à s'écouter.

Parce que la vie était un long apprentissage qui n'avait de fin que la mort. Et j'espérais, du plus profond de mon être, qu'elle serait loin. Pour profiter le plus longtemps possible de ce plan. Sans doute y en aura-t-il d'autres. Des plans. Des projets. Des objectifs. Tous les trois. Le plus pressant étant donc ce lit. Et un travail pour moi. Bientôt.

— Si tu cherches Glen, je l'ai vu avec Rylan tout à l'heure, m'informa Emy, le nez dans son téléphone.

De quoi exaspérer maman. Elle avait un amoureux. Au plus grand damne de notre mère, un garçon bien moins fréquentable qu'Isaac. Je n'avais pas osé lui avouer qu'Isaac était déjà pris. Pas par sa fille mais par son fils. Qu'il devenait un peu plus son fils aussi. Ce genre de choses, de révélations, demandait du courage et une totale confiance. J'en manquais encore. Des deux. Le courage d'affronter le regard de ceux que j'aimais, ma mère, ma sœur, et Luc. Et la confiance en moi. D'assumer devant eux qui j'étais, comment j'aimais. Deux hommes à la fois. Mes deux meilleurs amis. Bien sûr que je leur dirais. Ce n'était pas en eux que je n'avais pas confiance. Cependant, je n'étais pas le seul concerné. Pas le seul à devoir assumer. La tête droite, le regard fier. Isaac et Glen avaient leur mot à dire. Cela se ferait d'un commun accord, pour que personne ne se retrouver lésé ni laissé.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant