Dans les jours qui suivirent, je fus plus attentif à mes appels. J'étais intervenu pour séparer Glen de Tekoa sans pour autant ramener mon amant chez moi. Il avait filé sous la pluie pour aller je ne sais où. Depuis, silence radio. Rylan m'en voulait. Encore. Moins que la fois où Glen avait ruiné son tableau par jalousie. Suffisamment pour me bassiner de longs soupirs et de sous-entendus concernant ma stupidité à me disputer avec lui. À ce niveau, elle parlait même de talent.
Mon téléphone c'était donc remis à sonner sans filtre. De quoi me faire prendre connaissance des multiples appels de mon frère. S'il tenait bien une chose de ma mère, c'était son insistance lorsqu'il m'appelait. J'avais tenu bon. Aussi longtemps qu'il m'était possible. Puis lamentablement craqué. Jusqu'à me retrouver ici, assis dans ce café. À l'attendre. Non véhiculé, c'était lui qui devait venir à moi. Et même s'il travaillait sur Charlotte, me faire attendre au point de commander un second latté érodait dangereusement ma patience.
Lorsque la clochette au-dessus de la porte teinta pour la énième fois, celle-ci se révéla être la bonne. Bien habillé, à peine une pellicule d'eau sur le tissu noir de son manteau, Tim détonnait dans ce décor industriel de quartier. Il refusa qu'on le conduise et s'installa face à moi. Peu de clients occupaient l'endroit à cette heure. Le haut plafond, ouvert sur une mezzanine aménagée en coin conviviale, donnait l'impression d'un lieu plus peuplé. En réalité, seule la machine à grains, le mousseur et les rires discrets des employés habitaient le lieu. Mon portable posé sur la table, je fis mine de m'y intéresser plus qu'à son arrivée. Chose qu'il ne releva pas ou du moins, s'il en fut dérangé, ne le montra pas.
— Désolé pour le retard, je devais finir quelque chose d'urgent.
J'éteignis mon écran et relevai les yeux vers lui.
— De quoi voulais-tu parler ?
Les bras croisés sur la table, mon café latté végétal à côté et personne pour nous écouter, j'attendis. J'accusai son regard clair, plus pâle que le mien, proche de la couleur d'un ciel neigeux. Froid et déroutant. Ses cheveux noirs, peignés vers l'arrière, rebiquaient par endroit. Sa cravate était desserrée et il appela une serveuse d'un signe de la main. Il attendit qu'elle s'éloigne pour reposer son attention sur moi, qu'importait le malaise que je lui infligeais.
— Tu ne parles plus à Isaac, commença-t-il.
— Tu ne réponds pas à ma question.
— L'idée ne venait pas de lui.
Il s'interrompit sans que je ne sache si la cause était ma crispation flagrante ou le retour de la serveuse avec son café noir. Peut-être un peu des deux.
— C'est de ça dont tu veux parler ? Tu m'as fait attendre pour remuer le couteau dans la plaie ? Ça ne t'a pas suffit la dernière fois ? Tu savais très bien comment tout ça allait se finir. Ne le nie pas ! Si papa était au courant et que tu nous as tous invités, c'est que tu attendais ce résultat.
— Tu te trompes, Lee.
Je ravalai l'envie de le contredire. Le simple fait de nous réunir dans une même pièce en connaissance de cause en était la preuve. Tim était le plus à même de comprendre ma rancœur envers notre père, lui qui avait grandi selon ses attentes, à s'y plier quoi qu'il advienne, que ça plaise ou non. Je ne pouvais imaginer le bordel qui régnait à l'intérieur de mon frère quand son seul parent encore vivant le traitait comme un simple outil. Parfois, je me demandais si la façade indifférente de Tim n'était pas que l'enveloppe externe d'une coquille. Une coquille vide dont la vie avait depuis longtemps abandonné son combat. À exiger, tordre pour tout faire rentrer dans les bonnes cases, on finissait forcément par se perdre.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Storie d'amore« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...