— Lâche ça. On va être en retard par ta faute.
— Personne ne t'oblige à venir.
— Ah ! Parce que tu crois pouvoir aller à un rendez-vous sans moi ? Quelle notion du couple à trois tu n'as pas encore comprise ?
Je manquai de m'étouffer et crachai dans le lavabo mon dentifrice. Depuis qu'Isaac était arrivé – en retard – Glen ne le lâchait plus. Pique sur pique, ils se tournaient autour, se testaient, se chamaillaient sans jamais le penser vraiment. Une cacophonie qui me plaisait bien. Très bien même.
Je rinçai ma bouche, vérifiai dans la glace l'état de mes cheveux, si mes vêtements n'étaient pas tachés ou que l'ensemble rendait hommage aux deux hommes que j'invitai ce soir. Une chemise bleue, un pantalon droit, et une veste noire. Simple et efficace. Classe sans trop en faire. Je brossai une dernière fois mes cheveux, attentif aux bruits de mon salon.
— Tu n'as pas d'autres costumes que celui-là ? On dirait que tu sors du bureau.
— Je sors précisément du bureau. Si ma tenue ne te convient pas, libre à toi de manger à la table d'à côté.
— Et manquer le plaisir de te voir si fade à côté de Leelee et moi ? C'est beau de rêver.
Je levai les yeux au ciel, prêt à sortir. En face de l'entrée, entre la porte de ma chambre et le salon, Glen et Isaac se prenaient le bec. Du moins, ils faisaient comme si. Le sourire en coin d'Isaac et le regard pétillant de Glen étaient autant de preuves de leur complicité, de cet accord tactique entre eux, d'une certaine forme de validation. Je pouvais les regarder faire durant des heures. Si seulement l'heure ne tournait pas si vite. Je me grattai la gorge, interrompant leur joute de plus en plus vive.
— Il faut qu'on y aille.
— Tu vois, c'est de ta faute ça.
Isaac l'ignora en lui rappelant de mettre ses chaussures s'il voulait jouer la carte du « premier prêt ». Ils ne cessèrent de se chercher jusqu'à ce qu'on monte en voiture, Isaac au volant, Glen derrière moi qui avais pris le siège passager. Immédiatement, Glen passa ses mains sur le côté de mon siège, ses doigts à la recherche de chaleur.
— Assis-toi correctement, le reprit Isaac en jetant un coup d'œil dans le rétro intérieur.
— C'est bon, je suis attaché.
Bien qu'en retard, Isaac roula prudemment. Glen ne me lâcha pas, jusqu'à ce que je consente à croiser une main pour lier nos doigts. Tout le long du trajet, il nous écouta parler du travail : mon nouveau projet, les premiers chiffres de l'année passée, les délais, le planning. Il n'était plus question de changer d'éditeur. J'y avais moi-même veillé, peu importait que Tim ou mon père soit à l'origine de notre collaboration. Isaac était celui qui avait travaillé mes textes, porté mes projets, arraché des tirages supérieurs à ceux voulus par les commerciaux, bataillé avec les imprimeurs pour me laisser plus de temps. Je voulais plus que tout qu'il reste mon éditeur, celui à qui je confiais mes écrits, ces morceaux de moi que je laissai tomber dans mes mots, entre les lignes, au cours des pages. Je ne voyais personnes d'autres pour en prendre aussi soin que lui. Personne me connaissant assez pour comprendre mes démarches, mes hauts, mes bas, l'éclat brut derrière mes brouillons, mes forces et mes faiblesses. Isaac et moi, c'était une évidence. Ça l'avait toujours été.
Sur le parking du restaurant, Glen ne se priva pas de passer un bras autour de ma taille. Elégant dans sa chemise beige, sa veste plus foncé, ses chaussures cirés et un foulard couleur renard autour du cou, Glen attirait l'œil. Si les femmes appréciaient la réserve et le classique d'Isaac, Glen se plaisait, depuis quelques temps, à retenir l'attention de la gente masculine. Il ne fit aucun cas du regard gêné de l'homme qui nous conduit à notre table, pas plus que les curieux des tables voisines. Bien qu'au XXIème siècle, voir deux hommes se montrer de l'affection dérangeait. Alors trois, je ne donnais pas cher de notre peau. Ce qu'Isaac semblait également penser.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Romance« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...