Mon père ne put s'empêcher d'interroger Tim sur le tarif du traiteur, la qualité des fruits de mer, leur fraicheur et j'en passais. Une conversation qui nous garda, tous les trois silencieux. Au moins jusqu'à ce qu'Isaac intervienne dans un dialogue d'hommes d'affaires où seuls les chiffres comptaient.
Sous la table, un pied rencontra le mien. Le plus discrètement possible, je fis les gros yeux à mon camarade de droite dont le sourire alla se cacher derrière une verrine à la truite. Je me penchai en avant, mes lèvres tressautant d'un sourire que je me forçais à contenir, et mimai sans un bruit :
— Tu es fou.
Il haussa un sourcil, l'air de rien. Je me mordis l'intérieur de la joue et inspirai lentement. Lorsque j'expirai, je mimai à nouveau :
— Tu me fais du pied ?
Sa cuillère dans la bouche, il détourna le regard alors que son pied remonta le long de ma jambe. Je pinçai mes lèvres et serrai les dents. Ce type me rendait fou. Il n'y avait pas moins discret que de faire ça durant un repas à plusieurs. Surtout avec mon père présent. Ce n'était plus aimer vivre dangereusement, c'était du suicide pur et dur. Je m'étonnais déjà que Tim n'ait pas de petite-amie – ou pas à ma connaissance – en sachant que les affaires familiales devaient se transmettre entre nous. Bien qu'obsolète aujourd'hui d'exiger une descendance constante pour l'héritage, Fabian nous le faisait bien sentir. Et même si Tim se trouvait une petite-amie avec laquelle il fonderait une famille – peut-être –, mon père ne me laisserait pas tranquille s'il apprenait que je sortais avec au moins un homme. Je préférais taire notre relation et feindre le célibat plutôt que d'affronter son dégoût et son mépris.
Pris dans notre petit jeu de flirt, je sursautai lorsque Fabian m'apostropha :
— Personne ne t'a appris à te tenir droit à table, Leeroy ?
— Euh si. Pardon.
— Corrige ça aussi. C'est désagréable à entendre.
Droit sur ma chaise, j'opinai du chef sans un mot de plus. Le silence, alourdit du malaise de cette intervention, nous écrasa de tout son poids. Seul Fabian ne trouva aucun mal à reprendre la conversation là où elle en était restée.
Je me tus jusqu'à ce qu'il faille aider Tim pour la suite. Le retour dans la cuisine fut salvateur. Je m'occupai de jeter les verrines vides, Tim non loin de moi, le lave-vaisselle ouvert.
— Tu n'es pas content d'être là.
Mon silence lui répondit. Comme le disaient si bien Isaac et Glen, mon visage était un livre ouvert. Je ne savais même pas pourquoi j'étais là ni comment j'avais pu me laisser convaincre alors même que je savais que ça se passerait ainsi. Autant me tirer une balle dans le pied !
Les bruits de vaisselle que je débarrassai du plateau tintèrent entre nous. Tête résolument baissée sur ce que je faisais, je ne laissai aucun choix ni doute à mon frère. Patient, une qualité qu'il maîtrisait plus qu'il ne possédait, il attendit que je veuille bien le regarder pour continuer. Exactement ce qu'il fit quand mes yeux tombèrent dans leurs homologues.
— Papa est content que tu sois là, jugea-t-il bon de préciser.
Je grimaçai et refermai d'un geste sec le lave-vaisselle.
— Dis plutôt que tu ne voulais pas passer le nouvel an seul avec lui.
— Il a failli mourir.
Nous y étions. Le chantage affectif reprenait. Ou était-ce une forme de menace ? Parce que de l'affection pour Fabian, je n'en avais que pour de vagues souvenirs d'enfant remplis d'espoir. Des espérances de gamin qui ne souhaitait qu'une chose à l'époque : que son papa lui donne de l'amour et pas juste une ligne de conduite à suivre jusqu'à remboursement de sa datte d'études.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Romance« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...