— Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
La voix de Glen me tira de mes souvenirs. Je pouvais encore sentir les vestiges de sa chaleur, le fantôme de ses caresses, les fragments de son odeur. Il était là, partout, sur moi, en moi et sur Isaac aussi. Ce « nous » qu'il prononçait avec désinvolture recelait en son sein la plus précieuse des promesses. Une conviction qui, une fois adoptée par Glen, ne cesserait de grandir pour ne jamais plus être trahie.
Je secouai la tête, provoquant une œillade entre mes deux hommes. De quoi élargir mon sourire malgré mes choix discutables.
— Tim ne te refusera pas un contrat stipulant qu'il t'absout des contraintes du PDG de la société Sullivan puisqu'il en est l'héritier direct. Si tu lui en parles...
— Je ne compte pas m'y soustraire, interrompis-je Isaac.
Le silence revint nous étreindre, suspendant les interrogations de mes amants. Je reposai la carte toujours entre mes mains et inspirai, non pas pour me donner du courage mais pour apaiser le vent que je ne souhaitais pas voir se lever.
— Je me doute que mon frère me passera ce caprice.
— Ce n'est pas un caprice, Lee.
— Si, c'en est un, avouai-je d'un haussement d'épaule. Je n'ai toujours fait que ça : des caprices devant lui. Il n'a jamais eu d'autres choix que de tout me passer. Pour une fois, c'est à mon tour de faire quelque chose pour lui.
J'y avais réfléchi. J'avais creusé ma mémoire, aussi disparate pouvait-elle être. Ce qui en était ressorti ne m'avait pas plu et ne me plaisait toujours pas. Tim et moi ne pourrions sans doute jamais nous entendre avec la complicité que des frères pouvaient espérer. La raison de ce fossé entre nous était évidente. Mais pas seulement. Nous ne pouvions pas tout rejeter sur le dos de notre paternel. Les enfants pouvaient tout aussi bien se montrer cruels entre eux. Nous n'avions pas échappé à la règle. Moi en lui volant son meilleur ami, lui en ayant manqué de me tuer, même par accident. Jamais l'effort de le comprendre ne m'avait frappé. Tout comme il n'était jamais réellement venu vers moi pour essayer. À l'exception peut-être de ces dernières semaines. Et il y avait ce mot, au dos de cette photo... Comment l'oublier ? Nous étions adultes à présent. Indépendants et lucides. Assez pour prendre du recul et peut-être envisager de raccommoder ce lien qui nous faisait cruellement défaut.
— Je travaillerais non pas pour lui mais avec lui. C'est ma condition, conclus-je.
— C'est vraiment ce que tu souhaites ? insista Isaac dont l'implication dans cette histoire ne se mesurait plus.
— Tout à fait. Et si ça ne va pas, je sais que je peux m'appuyer sur vous.
Glen lâcha un rire spontané, son pied vagabond contre ma jambe. À mes côtés, le sourire d'Isaac se joignit à la légèreté retrouvé autour de la table. Sa main frôla la sienne et ses mots allégèrent ma conscience et mon cœur, de concert avec les paroles muettes criées dans les yeux de Glen.
— Evidemment. Si besoin, nous sommes-là.
***
La clarté du jour donnait au lieu une étrange atmosphère. Je n'attendais pas qu'il pleuve, mais la grisaille me semblait aller de paire avec l'endroit. Pourtant, le ciel s'était éclairci, l'espace d'une heure, peut-être moins, alors que mes pieds foulaient les graviers brillant de l'allée. Une rose blanche à la main, je déambulai entre les stèles sans jamais m'arrêter sur une inscription. Le côté solennel du lieu me coupait la gorge. Le vent lui-même s'était tu depuis que j'avais ouvert le grand portail en métal dont les gonds étaient restés muets. Seul le bruit de mes pas sur les gravillons résonnait.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Romance« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...