Chapitre 34 - Partie 1

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Il fallut presque un mois à mon poignet pour s'en remettre. Un mois d'interdiction stricte de le solliciter et d'immobilisation pour maximiser la qualité de la guérison. Un mois donc sans écrire. Quasiment sans contact non plus avec mon éditeur – bien au courant de la situation. Un mois pluvieux, froid et morose. Un mois où mes études furent ma seule préoccupation. Ce n'était pas un « métro, boulot, dodo » mais pas loin. Parfois, Rylan passait à l'appartement. Plus souvent qu'avant. Soi-disant qu'elle ne pouvait pas laisser un infirme, doublé d'un handicapé de la cuisine, seul chez lui sans avoir mauvaise conscience si quelque chose lui arrivait.

Alors elle venait.

Souvent sans prévenir.

Nous mettant de temps en temps dans des situations compromettantes, comme la fois où je sortais en serviette de la salle de bains et qu'elle venait de débarquer chez moi. D'autres fois, les cris étaient moins amicaux, plus houleux.

Glen revenait souvent dans nos disputes. Aucun de nous ne voulait lâcher l'affaire, que nous aillons tord ou non. Mon acharnement à rester éloigner de mes hommes lui était incompréhensible. Les disputes et désaccords rendaient sains une relation.

Nous avions dépassé ce stade.

Je n'étais même pas certain que nous soyons encore ensemble. Rylan assurait que oui. Pourtant, la seule fois où je m'étais retrouvé à nouveau devant Glen, ça n'en avait pas l'air. Nos cris avaient poussé les voisins à appeler la police, peu ravie d'intervenir dans une dispute d'étudiants où la violence se dissimulait dans les non dits, les regards, les silences.

Surtout les silences.

L'affaire close, nous ne nous étions pas revus depuis. Ma soudaine distance avec Isaac et Glen, en plus de ma passion sortie de nulle part pour mes études, avait également interrogé ma mère. Lui affirmer que tout allait bien ne suffisait pas, même si la présence de Rylan adoucissait les angles. J'avais pu, jusqu'à maintenant, la tenir en dehors de cette histoire qui n'était autre que celle de mon cœur. J'aimais ma mère de tout mon être et si je savais qu'elle accepterait ma relation avec un homme, qu'importe que ce soit Isaac ou Glen, avec les deux en même temps, rien n'était moins sûr. Et je pouvais tout à fait le comprendre. Si je ne m'étais jamais posé sur ma sexualité, préférant la personnalité au genre, Rylan m'avait mis sous les yeux une autre vision, complémentaire à ce que j'étais déjà : celle de l'amour non limité. Ouvrir mon cœur aux deux hommes les plus importants de ma vie m'avait apporté un bonheur inimaginable. La lumière n'existant cependant pas sans son contraire, le bonheur s'était accompagné de tragédie d'égale intensité.

Aussi puéril était notre conflit, d'après les mots de Rylan, il n'en restait pas moins un déchirement de mon côté. J'avais tout fait pour échapper à l'influence de mon père, au moins pour une chose. Une seule et unique chose que je voulais à moi, de manière très égoïste. Si cela n'avait impliqué que mon paternel, la blessure aurait été moindre car ma confiance était placée en d'autres hommes. Ces mêmes hommes qui l'avaient bafoué tout en sachant ce que cela représentait à mes yeux.

Le mensonge et la trahison gangrénaient les cœurs et nécrosaient l'amour propre. Il n'existait pas plus précieux et fragile que la confiance. Quelle vienne de nous mais aussi des autres. Une secousse, et le doute s'installait. Une fêlure, et la lumière s'en allait. Un coup, et tout s'écroulait. Ramasser et recoller les débris de ce trésor, devenu fardeau, dans le noir était aussi aisé que résoudre un puzzle monochrome les yeux bandés. Confier ce cristal inestimable à quelqu'un devenait un acte digne du plus grand courage mais aussi infiniment risqué.

La confiance s'apparentait à un arbre : quelques secondes pour planter la graine et des dizaines voire des centaines d'années pour la voir arriver à maturité. Et durant ce temps long et irrattrapable, un millier de choses mauvaises pouvaient survenir : maladie, incendie, tempête, sècheresse, action de l'homme. Rendant la croissance de cette graine aussi périlleuse qu'exceptionnelle. Et fragile. Terriblement fragile.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant