Chapitre 17 - Partie 1

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Pas de signal. La tempête était plus violente que prévue. Suffisamment pour couper les communications à l'exception des lignes d'urgences. Il n'y avait pas d'urgence ici. Nous étions à l'abri dans le chalet des parents d'Isaac, du bois pour alimenter la cheminée et assez de conserves dans les placards et au sous-sol pour tenir un an sans sortir. Une tempête de deux jours ? Une rigolade. Si seulement Isaac acceptait de me parler plus que le strict nécessaire.

Je ne pouvais pas contacter la fac pour prévenir que j'étais coincé à Owl Creek, ni prendre des nouvelles de maman et Emy. Joël avait sorti une vieille radio qui captait une fois sur quatre un signal et des brides d'informations. Le plus gros de la tempête était passé mais la vigilance restait de mise.

Dehors, le déluge s'abattait. Les arbres ployaient sous le hurlement du vent et la pluie tombait avec férocité. Il faisait nuit en plein jour. Impossible de distinguer le fond du jardin, à peine le bout de la terrasse. La veille, nous avions rangé tout ce qui était susceptible de s'envoler et de causer des dégâts. Malgré tout, les bourraques amputaient les arbres de branches qui voyageaient dangereusement à découvert. Des débris volaient, provenant d'on ne sait où, et aucun animal n'était assez fou pour s'aventurer hors de leur cachette. Joël affirmait qu'on ne risquait rien dans le chalet. Entendre les volets se fracasser contre les murs et la pluie marteler les vitres ne me rendaient pas serein. Le pire étant le souffle fantomatique du vent dans le conduit de la cheminée. Il sifflait des menaces, des promesses de désolation, un non répit perpétuel.

Emmitouflé dans plaid sur le canapé, une tisane entre les mains, je fixai l'âtre comme si un monstre allait en sortir. Je n'avais pas passé une bonne nuit. La tempête encore trop faible pour me résoudre à quémander du réconfort. Isaac aurait sans doute accepté. Parce qu'il était ainsi, avec un cœur trop tendre, trop empathique, dévoué à un idiot dans mon genre. J'aurais eu l'impression d'abuser de lui, de piétiner ses valeurs et cracher sur ses sentiments.

Comment en était-on arrivé là ?

D'une relation à trois, je me retrouvais seul. Par mon propre égoïsme. À trop en vouloir, je m'étais brûlé les ailes et devenu mon ultime bourreau.

Je zieutai mon portable, dans l'espoir qu'un message parvienne à braver la tempête. Rien. Le silence total. Je me persuadai que tout allait bien, à Asheville. Les pompiers et les urgences étaient sur place, accessible dans une certaine mesure. L'accès aux secours, aux informations et à tout le nécessaire en cas de catastrophe naturelle était facilité de par le fait d'être en ville. Je ne pouvais que prendre mon mal en patience, attendre que la pluie diluvienne se tasse, que les secours et autres agents en charge de Nantahala National Forest dégagent les routes potentiellement bloquées par la chute d'arbres ou débris, emportés par les cours d'eau en cru.

J'étais impuissant.

J'étouffai un soupir dans ma tasse, terminant la tisane aux herbes préparée par Béatrice. Elle devait, soi-disant, m'aider à mieux dormir cette nuit. Je déposai la tasse vide sur la table basse devant le canapé quand Joël m'interpela.

— Leeroy, vient voir s'il te plait.

Je me levai sans me départir du plaid autour de mes épaules. Le feu dans la cheminée luttait pour survivre aux caprices du vent et la pluie qui parvenait à s'infiltrer dans les conduits. Malgré tout, le froid ne me lâchait pas. Pas seulement en surface mais aussi à l'intérieur. Je le sentais jusque dans mes trippes, au plus profond de mes os. Il vibrait si fort qu'au moindre choc je craignais de me briser. À moins que ce ne soit mon sang, glacé, que mon cœur forçait à pomper, à m'arracher la plus petite miette de chaleur.

— Enfile ça, on va au sous-sol.

— Pourquoi ?

— Chercher des broutilles. Allez, vient.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant