Chapitre 25

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Il était tard lorsque Glen passa la porte de l'appartement d'Isaac. Trop tard pour les explications, pour une communication posée et sensée. Trop tard pour réparer la fissure qui craquait tout au fond de mon crâne. Comme une faille dont la rupture engendrerait un tremblement de terre. Quand ? Ça, personne ne le savait. Mais elle céderait, cette faille. Ce soir. Demain. Dans dix jours. Dans dix ans. La seule chose certaine était qu'elle céderait bel et bien.

— Pourquoi vous êtes partis sans prévenir ?!

— Baisse d'un ton, tu vas déranger le voisinage.

Impossible de manquer leurs échanges depuis la salle de bains. La porte d'entrée avait claqué et les semelles de Glen frappé le sol avec assez de force pour que je suive son avancée même derrière la porte.

Isaac le rabroua à ce sujet, ce dont il se ficha.

— Mais vous êtes partis !

Je sortis de la pièce, face à un Glen désarçonné. Ses yeux me dévisagèrent, cherchant une réponse là, quelque part, sur moi. Et puisque j'étais un livre ouvert pour mes amants, il capta bien vite la teneur de mon humeur.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a eu un problème durant le vernissage ?

Sa voix dérailla. Les sourcils plissés, la bouche à demi ouverte, le regard perdu, incapable de se poser plus d'une seconde sur quelque chose, Glen attendit une réponse.

Mon silence amplifia le bruit de ses méninges, le mouvement des pièces de puzzle qui défilaient à toute allure dans sa tête, dans l'espoir de remettre chaque chose à sa place et enfin comprendre le fin mot de l'histoire.

— Tu as croisé ton frère ? murmura-t-il dans un souffle.

Son regard changea. Tout son visage se transforma, passant du trouble à la défensive. Ses traits se durcirent presque autant que les miens. La courbe de sa bouche tira vers le bas et ses yeux se voilèrent d'un orage prêt à gronder.

J'inclinai le visage vers le bas, attrapant son regard par-dessous, au moins tout aussi sévère que le sien.

— Quoi ?! C'est seulement ça ? Vous me planter parce que Timothy c'est pointé ?!

— Il ne s'est pas juste pointé, crachai-je. C'est ton sponsor.

Il ouvrit grand les bras, un rire jaune désagréable accentuant son désaccord.

— Oui et c'est pour ça que je n'ai pas voulu t'en parler. Je savais que tu réagirais comme ça.

— Comme ça quoi ?

— Mal !

Je serrai les poings si fort que mes ongles s'imprimèrent dans mes paumes. Le problème n'était pas seulement d'en parler ou de le cacher. Ce qui me mettait hors de moi c'était d'avoir accepté l'offre de Tim tout en sachant ce que mon père et lui m'obligeaient à faire. Négocier avec eux n'apportait rien de bon. C'étaient des manias de l'argent, des financiers professionnels dont l'unique but tournait autour du profit. Le reste, la morale, l'humain, n'avait pas sa place. Accepter un tel sponsor n'était pas une chance ni une bénédiction. Mais un allé simple vers l'enfer, prisonnier d'un étau si solide qu'il en devenait étouffant, meurtrier. Tim, encore plus que Fabian, maniait les mots comme un archer maîtrisait sa flèche. S'il tendait un bouquet de fleurs, en-dessous se cachait des vipères. Il incarnait le loup déguisé en agneau, l'arnaqueur derrière le séducteur, la main de fer dans un gant de velours. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne referme ses griffes autour de la gorge de Glen. Qu'une question de patience pour l'étrangler au bon moment. Qu'une question de timing pour le relâcher une seconde avant, le laisser respirer et obtenir de lui tout ce qu'il demandait.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant