Chapitre 29 - Partie 2

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L'empressement dont je fis preuve sur le pas de ma porte amusa Glen. Il nous guida à l'intérieur, tenaillé entre l'envie de jouer avec le feu, là, sur le palier, et celle de nous plonger dans la sécurité de l'appartement, à se laisser dévorer par nos vices impatients.

La raison l'emporta et c'est à peine si je lui laissai le temps de verrouiller derrière nous. Ma bouche percuta la sienne, rude, avide et légèrement apeurée. Je voulais effacer de ma conscience l'image de mon frère, l'angoisse qu'il répète quoique ce soit à notre père. Pire encore, qu'il soit impliqué, de près ou de loin, avec ma maison d'édition. Je voulais me perdre dans une débauche consentie, suffisamment fougueuse pour m'empêcher de réfléchir, sauvage à m'en faire tourner la tête.

Glen ne recula pas face à l'agression, me puni d'une morsure à la lèvre qui m'arracha un couinement. Mes mains s'accrochèrent à sa veste qu'il m'aida à ôter, mes doigts mêlés à sa cravate récalcitrante. Mes maladresses le firent sourire. Sa bouche me railla, provocante et sulfureuse. Je m'accrochai à son visage, plongeai tête baissée dans ses lacs d'or liquide, assombris par le désir farouche qu'il bridait. Je l'implorai de lâcher prise, de faire du reste de la nuit une danse sans règle, guidé par les seules paroles de la luxure, de nos chairs prêtes à se consumer, de nos cœur prêts à éclater.

En une fraction de seconde, l'or de ses iris tournoya, ses pupilles se rétractèrent comme un prédateur prêt à bondir sur sa proie. Mes pieds décolèrent du sol et le matelas me réceptionna. Le poids de Glen contre moi me tira un soupir, vite avalé par les lèvres de mon amant.

L'enfer pouvait brûler autour de nous, nous valsâmes au rythme de ses flammes, nous complûmes dans la souillure de nos corps, jusqu'à maudire la fatigue qui nous emporta après des heures décadentes où nous chantâmes les louanges de nos désirs assouvis.

Sur un coup de tête, parce que ce n'était pas juste que je sois le seul à rester à la maison, j'avais filé en douce, sur la pointe des pieds. En chaussettes, j'avais attendu d'être dehors, de refermer le plus discrètement possible la porte d'entrée pour mettre les chaussures que je tenais d'une main. Certain que maman me croyait dans ma chambre, je me mis à courir dans la rue, le visage fouetté par le vent froid, la gorge brûlante, des larmes accrochées à mes cils alors que la pente assassinait mes pauvres petites jambes et mes poumons en feu.

La respiration sifflante et chaotique, je m'accordai une pause à l'abri derrière un poteau, comme si mes frêles épaules ne pouvaient en dépasser de part et d'autre, maintenant en haut de la rue. Je vérifiai de ne pas avoir été suivi, pour faire comme les grands ou à la télé. Persuadé d'être le futur héros trop stylé qu'on pouvait voir dans les films d'action, du haut de mes huit ans, je poursuivis ma filature.

La maison aux volets bleus était mon objectif. Punis pour une note somme toute insignifiante à mes yeux et qui ne révolutionnerait jamais mon bulletin scolaire, maman avait laissé Tim aller chez Isaac sans moi. Ce n'était pas juste ! Ce contrôle était trop difficile de toute façon et je n'aimais pas la géométrie. Je ne voulais pas de l'aide de Tim. Je pouvais me débrouiller tout seul comme un grand. Comme lui. Comme Isaac. Papa ne regardait jamais mon bulletin de toute façon. Il n'y avait que Tim qui comptait. Que Tim qui avait le droit de jouer chez Isaac. Que Tim qu'on félicitait.

Tim, encore et encore lui.

J'étais persuadé qu'il était nul en géométrie. Il faisait le grand parce qu'il était au collège mais moi aussi, bientôt, je le rejoindrais avec Isaac.

Du prisonnier évadé à l'agent secret, j'escaladai le portail en bois pour arriver dans le jardin. Je courus vers le pommier au tronc large et rugueux. Un coup d'œil discret vers la fenêtre du salon me permis seulement de voir la lumière allumée dans la pièce. Le jour tombait et avec lui, les températures. L'été avait été chassé à coup de bourrasques venues du Nord, faisant tomber les pommes de l'arbre. J'avisai la branche devant moi et à la force de mes petites mains, grimpai tel un ouistiti à l'arbre. J'étais rôdé à l'exercice. Souvent punis pour mes notes, j'avais appris à me faufiler dans la chambre d'Isaac quand l'injustice me révoltait.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant