Chapitre 33

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Janvier se révéla plus doux que décembre. La pluie tombait sans discontinue, en averse féroce ou en bruine discrète. La rentrée s'était faite sous la course des examens, le stress des épreuves et le rythme infernal des révisions. Deux semaines d'intenses activités qui s'enchainèrent sur un nouveau semestre.

Le calme revenu laissa à la chorale de la pluie bercer nos heures de cours magistraux, accompagner nos sessions de travail à la bibliothèque, et murmurer des rêves lorsque le sommeil nous prenait.

— De la pluie et toujours de la pluie. Ça peut pas s'arrêter à un moment ?! On va finir par se noyer dans les rues !

Le paysage morne déprimait Rylan. Elle qui aimait arborer une myriade de couleurs pétantes avec ses sweats à l'effigie de groupe de métal ou ses grosses docks noires, venait habillée de gris, de brun et autres tons tristes. Le tableau de nos vies, ternes et sans lumières, affectait notre moral. Il n'y avait rien de réjouissant à suivre cours pour exercer un métier non choisi puis rentrer chez ce faux chez-soi dans lequel nous déambulions comme une âme sans vie.

C'était au moins mon cas.

Rylan avait d'autres plans. Des choses concrètes, venant de son esprit, réalisables par ses soins. Les miens ? Sans doute la pluie les avait-elle emportés. Lavé de ce qui me portait, je n'avais plus qu'à suivre le courant. Ce chemin tout tracé duquel j'avais essayé de me détourner, ne serait-ce qu'un peu. En vain. Je me rendais compte qu'il était bien plus aisé de se laisser aller, d'attendre chaque étape prévue sans jamais être surpris ou décontenancé par un obstacle ou un imprévu. Plus de combat ni de débat. Plus de méninges à faire tourner pour résoudre un dilemme. Plus de compromis.

Plus de choix.

Ils avaient tous été pris à ma place. En avance.

Les choix, ce n'était pas mon truc de toute façon. Je n'avais jamais su les prendre. Et à présent, délester de ce fardeau, je n'aurais plus à y réfléchir ni me soucier quant à savoir s'il était le bon ou non. Devant le carrefour des possibilités, je savais quelle voie suivre. Simple et sans mauvaise surprise.

— Eh. C'est pas Isaac là bas ?

De l'autre côté du parvis, entre le Quad et Ramsey Library, je croisai l'éclat mort de son regard à l'ombre de son parapluie. Si je n'étais pas certain qu'au fond de l'océan, l'eau ressemblait à du saphir, j'aurais juré qu'il était noir. Noir et malheureux. Seul aussi. Terriblement seul.

Je rabattis ma capuche sur ma tête et partis à l'exact opposé. Rylan me héla, sa voix étouffée par l'averse. Sous mes pieds, le « flac, flac, flac » incessant tambourina en chœur avec les « boum, boum, boum » dans ma poitrine. J'accélérai à mesure qu'elle se serra, douloureuse et meurtrie.

Plus vite.

Encore.

Toujours plus vite.

Comme pour la fuir. Cette douleur. Cette pluie qui ne battait pas assez fort contre mon visage pour la chasser.

Encore.

Boum boum boum !

Encore.

BOUM BOUM BOUM !

Jusqu'à me trahir, la pluie elle aussi.

Je me réceptionnai mal. Mes fesses brûlèrent sous l'impact et mon poignet se tordit. Je me recroquevillai sur moi-même, l'humidité grignotant déjà ma peau de sa langue gelée et perfide, prête à m'avaler.

— LEEROY !

Le ciel en pleure amortit les cris de Rylan.

Pas ceux d'Isaac.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant