Mieczysław :
Je n'arrive pas à bouger même après que la porte soit fermée. J'ai toujours le bras tendu, le flingue à la main, prêt à tirer. Je ne peux pas prendre le risque que Karen me voit dans cet état de choc, de colère et de chamboulement total. Je prends donc trois grandes respirations avant de baisser mon arme, la main tremblante. Je la range rapidement. Je n'en reviens pas... Je viens de me prendre une claque monumentale qui m'a propulsé quinze ans en arrière. Je n'aurais jamais pensé le rencontrer puisque ma menace était censée être claire, nette et précise. Le pire, c'est que physiquement, c'est mon portrait craché. La même pâleur. Les grains de beauté parsemés sur le visage. Le même nez en trompette. La seule différence c'est qu'à son âge, j'avais des cheveux courts. Cependant, à l'heure actuelle, même au niveau capillaire, c'est pareil. Aucun doute qu'on ait le même sang qui coule dans nos veines et qu'on partage les mêmes gènes. À part ses yeux, tout le reste, il le tient de moi. Ses yeux... Évidemment, une copie de ceux de Derek. La même intensité dans le regard. D'ailleurs, il fait comme son père. Il laisse parler ses yeux à sa place. Toutes ses émotions passent par là. C'est légèrement troublant de retrouver Derek en ce gamin. Rien qu'en le regardant, j'ai eu des flashs de la manière dont son père me regardait avec envie et intensité. J'en ai des frissons dans tout le corps. "D'abord, moi c'est Éli, enchanté !" Cette phrase résonne dans ma tête. Son prénom retentit encore et encore contre les parois de ma mémoire. Derek a donné le diminutif du prénom de mon grand-père à son fils ? Dites-moi que ce n'est qu'une coïncidence ? Qu'il aimait juste le prénom Éli et que ce n'est pas son lien de compagnon qui l'a poussé à faire ça.
- Mon cœur, ça ne va pas ?
Hé merde... Je me rends compte que je suis toujours stoïque devant cette porte d'entrée comme si je m'attendais à ce qu'Éli se repointe. Que dire ? Quoi faire ? Impossible de lui révéler que le gamin qui était devant ma porte a grandi dans mon ventre. J'ai banni, il y a quinze ans, le surnaturel de ma vie, ce n'est pas pour replonger tête la première dedans. Et puis c'est toujours délicat d'entamer ce genre de conversation avec un simple humain qui ne connaît rien de ce deuxième monde caché. Elle me prendrait pour un fou, elle m'internerait de force. Surtout que le soir de notre rencontre, lorsque nous avons couché ensemble, j'avais trouvé l'excuse d'une drôle d'opération afin d'expliquer la cicatrice de ma césarienne.
- Rien, ça va... répondis-je froidement.
J'avoue ne plus être le Stiles d'avant. Ce petit mec sympathique, souriant et aux petits soins avec tout le monde a disparu. Cette grossesse m'a changé. Elle a fait de moi un véritable connard avec mes partenaires. Depuis cet enfer, je passe de conquête en conquête sans me soucier des états d'âme, ni même de ce que peuvent ressentir ces personnes, femmes comme hommes. Et oui, depuis ce qu'il s'est passé avec Derek, j'apprécie la présence des hommes. En vrai, je m'en fiche du sexe qu'ils peuvent avoir, tant que je domine, que j'ai le contrôle sur tout et tout le temps. Karen est la seule depuis quinze ans, qui a su me faire rester plus de deux mois. Avant elle, le moindre truc qui m'agaçait, me froissait, me blessait ou encore le moindre refus ou désaccord, avait pour conséquence d'être chassé comme un malpropre. Karen, elle prend sur elle. Ça fait un mois et demi qu'elle s'est installée sans vraiment m'en parler. Elle a juste amené petit à petit ces affaires, jusqu'au jour où elle n'est plus rentrée chez elle... L'angoisse... Mais bon... Quand je veux je la fout dehors. En tout cas, elle a très bien compris qu'il me fallait de l'espace. Lorsqu'elle sent que le sujet est tendu, elle n'en parle pas. Elle fait avec le peu que je peux lui donner, lui apporter. Comme maintenant, où elle se contente du "rien, ça va". Elle est simplement retournée à ses occupations...
Je me vautre sur le canapé, une bière à la main. Je regarde une émission à la télévision. Enfin regarder est un bien grand mot... Disons que ça fait office de bruit de fond. Je me refais la scène de tout à l'heure avec mon double miniature. Je ne comprends pas pourquoi Derek, mon père ou encore Scott ont pu le laisser venir à moi. C'est du grand n'importe quoi. Ils avaient tous accepté ma décision. Ils m'avaient promis que le monde surnaturel ne reviendrait pas toquer à ma porte. Derek a laissé son fils faire ce qu'il voulait... Mon cerveau se met sur pause quelques secondes. Un peu comme si je buggais. Et une nouvelle claque me fouette de plein fouet. "Mon père est mort à cause de toi !" Mon cœur se serre. Les larmes dévalent mon visage comme un automatisme. Je réalise seulement maintenant l'importance des mots qu'Éli a prononcés dans cette phrase. Je ne comprends pas pourquoi je réagis ainsi ? Pourquoi ça me fait si mal ? Pourquoi je ressens subitement ce vide intense ? Dans cette incompréhension, mes nerfs lâchent. J'enfonce violemment mon poing dans le vase qui se trouve sur la table basse et hurle de rage.
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Le destin d'Éli
FanfictionÉli vient de perdre son père sous ses yeux. N'ayant jamais eu de mère, il se retrouve seul et perdu, appartenant à une meute dont il connait à peine ses membres. En quête d'identité et de son passé qui est remplis de zones d'ombre, l'adolescent s'em...