Le destin d'Éli

Chapitre 49 : Frères

Éli :

J'ai passé une longue nuit à réfléchir aux conséquences de mes actes. Je n'ai été qu'un gamin capricieux et égoïste. Je me suis tellement senti stupide que j'ai préféré rester cloitré dans ma chambre toute la journée, déclinant toute invitation de mon père à rejoindre tout le monde. En repensant à ce que j'ai fait la veille, la culpabilité s'abat de nouveau sur moi telle une pluie de couteaux aiguisés. Ça fait mal comme si on me déchirait le cœur. À cause de moi, Télio a tellement eu peur qu'il est carrément monté sur le toit. Il voulait s'enfuir pour aller le plus loin possible du monstre que je suis. Il a failli chuter de là-haut. Je m'en serais voulu comme ce n'est pas permis et je me le serais jamais pardonné s'il lui était arrivé quelque chose. Le pire c'est que je me battais pour quelque chose d'insignifiant. Je haissais ce gamin parce qu'il avait eu le droit de grandir avec le père qui m'a abandonné. Pourtant, ça ne fait qu'un an qu'ils se connaissent et d'après ce que j'ai entendu de leur altercation, Stiles ne s'est pas occupé de lui. Télio est comme moi : l'un de ces enfants blessés par l'absence d'un père et sa non considération. Je ne sais même pas ce qu'il a vécu pendant un an avec un homme qui n'en avait rien à battre de lui. À onze ans, ça doit être lourd à porter. Il faut à tout prix que je me rattrape avec ce p'tit gars puisqu'on est finalement dans le même camp.

J'allume mon ordinateur, le connecte à ma basse bluetooth et active la musique. Je monte le volume a une certaine intensité afin que mon père n'entende rien à l'action que je vais mener. J'ouvre ma porte et me glisse dans le couloir sur la pointe des pieds. Je fais le moins de bruit possible pour n'alerter personne. Je me poste devant sa porte et je ne sais pas comment réagir. Alors je frappe simplement sans dire un mot. S'il sait que c'est moi, jamais il ne voudra que je lui parle. Je n'attends pas sa permission pour m'introduire dans sa chambre en refermant soigneusement la porte derrière moi.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Sors ! gronde-t-il, la haine dans les yeux.

- Écoute Télio, je...

- Tu sais que si je crie, ton père m'entendra ? dit-il sournoisement en levant un sourcil.

C'est la première fois qu'on se parle vraiment depuis qu'il est là et c'est loin d'être la meilleure conversation de ma vie.

- Évidemment ! soufflé-je désespérément.

Je ne sais pas comment je vais m'en sortir afin qu'il m'écoute.

- Je veux juste te parler...

- Bizarrement tout le monde veut me parler en ce moment...

Lui qui se faisait tout petit depuis son arrivée, là il explose complètement. Je ne m'attendais pas à ça venant de lui. J'aurais plus parié sur le côté paralysé de peur. Il m'impressionne puisqu'il tient tête à l'ado qui l'a tellement fait flipper qu'il s'est pissé dessus. C'était pitoyable de ma part. Il faut que je me lance. Il faut qu'il entende ce que j'ai à lui dire. J'ai besoin de son pardon, c'est peut être égoïste, mais ça me permettrait de me sentir un peu mieux.

- Je suis désolé, j'ai été con avec toi...

J'ose à peine le regarder de peur de voir toujours autant de rancune dans ses yeux.

- Écoute Télio, je te détestais parce que je pensais que tu avais grandi avec lui, alors que moi, il m'a abandonné. Pourtant hier, j'ai cru comprendre que...

- Qu'il ne m'a pas élevé... soupire-t-il en enfonçant sa tête dans ses épaules.

- J'ai bien compris qu'on était pareil...

Il me lance un regard noir comme si c'était l'idée la plus insignifiante.

- Pas tellement puisque toi, il connaissait ton existence. Alors que moi, il ne savait pas que j'existais. Il l'a appris le jour où les services sociaux m'ont ramené chez lui.