Chapitre 6

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À la fin de la journée, les deux retournèrent au palais, ayant fini de s'occuper des postes de garde. Assis sur son cheval, Denki sentait que sa tête lui faisait un mal fou. À force de réfléchir, il avait épuisé ses forces. Il ne pensait plus qu'à retourner chez lui et plonger dans un bon bain chaud. Près de lui, également sur un cheval, Kyoka était aussi stoïque que du marbre. On aurait dit que cette journée fatiguante ne lui a rien fait.

— Gwééé...

La noiraude sursauta en entendant le son produit par le cavalier à ses côtés. Qu'est-ce que c'était? Pour le savoir, elle fit galoper son cheval pour pouvoir voir le visage de son élève. Et quand elle le vit, elle éclata de rire. Denki avait une tête d'imbécile, encore plus que d'habitude et de la bave coulait de sa bouche. Il semblait être en transe, ce qui était vraiment très drôle. Kyoka menaça de tomber de sa monture.

— Tu vas bien, Kaminari? Dit-elle entre deux rires.

— Gwééé... Fut sa seule réponse, accompagnée de deux pouces en l'air.

C'était le geste de trop. Kyoka ne s'arrêta plus de rire, ayant complètement oublié qu'une dame se devait d'avoir un rire gracieux, à la limite de la vanité. Elle avait tellement mal au ventre à force de rire qu'elle en était presque tombée de son cheval. Bon sang, qu'est-ce qui était arrivé à Denki pour qu'il finisse comme ça? Était-ce à cause de leur cours sur terrain? Elle ne pouvait pas croire qu'il surchauffait rien qu'avec ça. La professeure n'osait même pas imaginer les cours de calculs. Elle n'en survivrait probablement pas.

Ci-gît Kyoka Jirou, décédée d'une crise de fou rire, causée par le prince le plus stupide que la terre ait porté.

Heureusement, ils étaient enfin arrivé au château. Elle pouvait se reposer tranquillement. Quant à Denki, il traîna des pieds jusqu'à son bureau, obligé d'y déposer les dossiers. Sa journée avait vraiment été très chargée. C'était très différent des jours à se balader partout sans réel but. Les postes de garde avaient tous de gros problèmes. Et ça avait été à lui de les régler, encouragé par les remarques sarcastiques de Kyoka. Dans l'un d'entre eux, l'eau de pluie s'infiltrait à travers la pierre, ce qui faisait pousser de la moisissure à l'intérieur. Il avait proposé qu'on démolisse les murs pour tout reconstruire, ce que lui a valu un coup de poing sur le bras de la part de cette charmante demoiselle.

Quand il était arrivé au dernier poste, il était sur le point de s'évanouir. Les soldats avaient écrit dans le rapport qu'il y avait un esprit qui rôdait à l'intérieur, effrayant tout le monde pendant la nuit. Le lendemain, ils avaient tous une affreuse mine, faute de sommeil. Denki était sur le point de prendre ses jambes à son cou, mais Kyoka l'avait retenu par le col de sa chemise. Ils sont donc allé faire le tour de tout le bâtiment. Et finalement, ce qu'ils pensaient être un esprit n'était autre qu'une fenêtre cassée. Personne ne montait à cet étage et une tempête avait sûrement détruit cette fenêtre, la faisant pendouiller sur son encadrement. Quand le vent passait, il claquait contre le mur, produisant un écho épouvantable dans tout le poste.

Ce n'était vraiment pas une raison valable pour déposer une demande au château selon Kyoka. Tous les hommes du bâtiment n'avaient pas osé monter pour vérifier. Si les soldats étaient comme ça, c'était mal parti pour tout ce village. Heureusement que la noiraude était là. Denki souffla aussi de soulagement en apprenant qu'il n'y avait aucun esprit. Et pour une raison qu'il n'avait pas compris, la jeune femme lui avait donné un coup.

Arrivé dans son bureau, il vit son bras droit ranger des livres, puis s'assit lourdement sur un fauteuil.

— Comment sont les postes? Demanda Shoto.

— Merci de t'inquiéter pour moi!

— Désolé. À vrai dire, j'avais un léger doute sur cette mission. J'appréhendais que tu ne fasses quelque chose de stupide.

Denki soupira.

— Tes postes chéris vont très bien. L'un d'eux n'abrite juste qu'une bande de peureux.

— S'ils avaient peur, j'imagine déjà ta peur à toi.

— Jirou et toi faites la paire, décidément!

— Quoi, elle t'a fait travailler pour la première fois de ta vie?

— Pire que ça! Elle ne m'aidait pas du tout et elle me frappait à tout bout de champ! Je suis quasiment sûr que j'ai des bosses sur le front et des bleus sur le bras!

Shoto secoua la tête. Mais quel enfant! Il délaissa l'étagère pour se concentrer sur sa conversation avec le prince.

— Et donc, pour les postes?

— Les réponses à tes questions sont dans les dossiers. Vois ce que tu peux faire. Je suis fatigué.

Shoto ne répliqua rien, préférant laisser Denki se reposer. La journée n'avait sûrement pas été bonne pour lui. À présent, il voyait ce dont son bras droit s'occupait continuellement. Affalé très peu gracieusement sur sa chaise, le prince se massait le front, semblant souffrir le martyr.

— Elle t'a tapé si fort que ça?

— Ce n'est pas étonnant! Elle vient d'une famille de surdoués maîtrisant toutes les disciplines. Les arts martiaux, ça doit la connaître. Elle a la force de frappe d'un guerrier mongole.

— Tu exagères trop.

— Mais je te jure que j'ai vraiment mal!

— Et tu as aussi oublié que c'est une demoiselle. Habituellement, on n'apprend pas aux demoiselles à pratiquer les arts martiaux. Elle ne doit pas être plus forte qu'un petit chat. C'est toi qui en fait tout un drame.

Lassé d'entendre le jeune Todoroki le critiquer, le blond le chassa d'un geste de main, accompagné d'un grognement fatigué. Il ne voulait plus entendre parler de cette furie pour les prochaines heures.

Du côté de ladite furie, elle était prête à se coucher. Alors qu'elle se dirigeait vers sa fenêtre pour la fermer, un corbeau atterrit. Kyoka fit un pas en arrière en voyant l'animal aux yeux violet foncé. Ça ne faisait même pas une semaine qu'elle était là et il voulait déjà des résultats? Elle n'en était même pas au premier mois de cours! Le corbeau ouvrit son bec et se mit à parler, n'impressionnant pas la professeure.

— Kyoka, ma très chère fille. Souviens-toi que notre famille a besoin d'argent. Le roi doit te payer une somme gigantesque pour qu'on puisse renflouer notre caisse.

Leur caisse? Plutôt sa caisse.

— Je compte sur toi pour faire honneur une dernière fois à notre famille avant de partir, mon trésor.

Le corbeau croassa, signifiant que c'était la fin du message. Puis, il s'envola dans le ciel obscur, disparaissant rapidement du champ de vision de la noiraude. Kyoka soupira puis regarda la marque sur le dos de sa main. Bientôt, cette fichue marque allait disparaitre. Et elle allait tout faire pour que ça arrive le plus rapidement possible.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant