Chapitre 14

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Depuis le départ de Denki, les journées de Kyoka étaient beaucoup plus tranquilles. Elle passait beaucoup de temps avec Mina et Toru à discuter d'amour. Ces deux-là n'avaient qu'un seul sujet de conversation à la bouche. La rose n'arrêtait pas de se plaindre de sa relation purement amicale avec Eijiro, ce qui faisait rire la professeure. Quant à Toru, elle se vantait d'avoir des rendez-vous secrets avec un certain Ojiro Mashirao, ce qui rendait Mina très jalouse. Et les commentaires de Kyoka pour briser l'ambiance étaient toujours les bienvenus.

Elle avait eu l'occasion d'assister Mina à l'un de ses entraînements pour faire le point sur sa relation avec Eijiro. Et effectivement, elle se comportait comme s'ils étaient de vieux amis. Ça n'allait pas faire avancer les choses. Pour pimenter un peu leurs journées fades, Toru avait proposé à la jeune femme rose de faire jouer un peu plus ses atouts féminins. Kyoka avait proposé de tout dire au jeune Kirishima sans s'y prendre par des méthodes louches (décision rejetée à l'unanimité, évidemment). Mais il s'avérait que la solution de Toru n'avait pas été meilleure.

— Reprends-toi, Mina! Tu es très bizarre aujourd'hui!

Cette phrase avait fait rire Kyoka. Eijiro s'était probablement senti gêné quand sa coéquipière avait commencé à faire des numéros de charme. Il n'en fallait pas plus pour qu'elle fende en larmes dans les bras des deux autres jeunes femmes. La professeure avait raison, il fallait tout lui dire d'un coup. Dans les couloirs, elles tentaient de la consoler du mieux qu'elles pouvaient. Alors que Toru avait posé une main sur son épaule, Kyoka s'était occupée de la consolation verbale.

— Arrête de te morfondre. Tu auras d'autres occasions, ainsi que d'autres méthodes qui marcheront mieux.

— Et s'il ne m'aimait pas?

— Impossible de ne pas aimer une aussi belle jeune femme que toi, Mina! L'encouragea Toru.

— Peut-être qu'il aime quelqu'un d'autre?

— Je t'en prie! Toutes les femmes dans ce palais sont des planches à pain devant toi! Aies confiance en ta féminité!

— Toru, quand tu dis que toutes les femmes du palais sont des planches à pain à part elle, tu es consciente que tu nous mets toutes les deux dans le même sac? Demanda Kyoka.

La femme de chambre foudroya la jeune Jirou du regard.

— Tu comprends très bien ce que j'ai voulu dire!

Kyoka ria. C'était agréable d'être avec elles. Si seulement ce calme pouvait durer encore un peu...

— JIROU!

Malheureusement, le retour du prince était prévu ce jour-là. Et justement, il était en train de courir dans les couloirs, paniqué, à la recherche de sa professeure. Si on lui avait dit qu'un jour, il allait courir pour chercher un professeur, il en aurait ri. Il était même très étonné de sa propre réaction. Mais la situation était grave, il fallait qu'il la trouve. Et heureusement, elle était à quelques mètres de lui, riant avec ses amies. Il courut et s'arrêta pile devant elle. Kyoka sursauta en le voyant débouler comme poursuivi par un monstre.

— Qu'est-ce qui t'arrive, Kaminari?

— J'ai une très très mauvaise nouvelle!

Devait-elle préparer les mouchoirs pour pleurer?

Sans attendre, ils filèrent tous deux dans la salle d'études. Kyoka s'assit à son bureau, alors que le nouveau venu faisait les cent pas en faisait un bref résumé de son court séjour chez la princesse Asui. Enfin, elle aurait aimé qualifier ce résumé de bref. Denki partait en vrille et parlait à une vitesse folle. La brune n'avait pas la force de l'arrêter. C'était une vrai boule d'énergie. Parfait pour se remettre de quelques jours de totale tranquillité.

— Tout allait bien! J'ai appliqué tes conseils à la lettre en dansant avec la princesse! Je n'ai soulevé la jupe de personne et je me suis assuré que c'était une serviette de table que je tenais dans la main, et pas un mouchoir! J'ai même discuté avec les autres princes sans dire n'importe quoi! C'était juste parfait! Toute la fête était parfaite!

— Alors pourquoi tu reviens affolé comme si tu avais la mort à tes trousses?

— Parce qu'il y avait un prince qui semblait ne pas trop m'aimer.

Il s'était finalement décidé à la regarder, sans tourner en rond comme un animal en cage. Mais ça ne l'empêchait pas d'être toujours aussi anxieux. Les nouvelles étaient plutôt bonnes. Elle ne voyait pas ce qui pouvait bien le rendre ainsi. C'était obligé que quelqu'un fasse des commentaires sur lui. Ils allaient devoir travailler la capacité d'adaptation de Denki. S'il réagissait de cette manière à chaque personne qui ne l'aimait pas, ça allait être difficile.

— Ce n'est pas grave. Dit-elle, toute calme.

Finalement, il n'y avait pas besoin de mouchoirs.

— Mais si, c'est grave! Je suis arrivé à tenir une discussion cohérente avec lui, malgré ma peur! Et devine ce qu'il m'a proposé!

— Une partie de chasse amicale?

— Oui!

— Oh, j'ai deviné, vraiment? Quoi, tu ne sais pas chasser, aussi?

— Bien sûr que je sais chasser! Mais le problème, c'est que je suis sûre qu'il y a des formalités à suivre! C'était flagrant, vu son sale sourire! Il sait que je ne suis pas familier avec les commodités!

— Mais c'est qu'il commence à réfléchir, le prince de Kana.

Denki se figea. Elle se moquait? Ne voyait-elle pas la gravité de la situation? Il avait apprécié ne pas être la risée de tous, pour la première fois de sa vie. Et tout ça, c'était grâce à elle. Elle ne pouvait pas se moquer. Hors de question qu'il se ridiculise devant d'autres gens. Finalement, les études, c'était très utile. Denki fit la moue, au bord des larmes. Kyoka perdit toute son hilarité devant ses yeux brillants. Était-il enfin prêt à étudier sérieusement? Si c'était le cas, la jeune jirou en serait ravie.

— Bon, qui est ce prince?

— Je ne me souviens pas trop de son prénom. Si je ne me trompe pas, c'est Kaito Domoto.

— Tu es sûr de ça?

— Absolument.

— Dans ce cas, on est sûr que ce n'est pas ça.

— Hé!

— Décris-le.

— Oh... Oui... Eum... Il était blond et pas plus grand que moi. Avec une voix insupportable et une manie agaçante de se croire au-dessus de tout le monde. Il se vante aussi d'avoir toute une collection de lavallières de tous genres pour chaque occasion.

— Neito Monoma.

Effectivement, il n'y avait pas plus narcissique que le prince Neito Monoma. Ce blondinet se démarquait par sa collection étourdissante de lavallières. Comme l'avait dit Denki, il était insupportable. Mais au moins, il avait le mérite d'être intelligent. Ce qui le poussait à se croire mieux que les autres. Si ce prince avait craché son venin, c'était que sa conseillère – dame Itsuka Kendo – n'avait pas été dans les parages pour le faire taire.

Et il allait de soi que cette invitation pour une partie de chasse était un moyen de ridiculiser Denki devant tout le monde. Car oui, il y avait des commodités à suivre, même lors de ses activités spécialement masculines. Si les femmes aimaient attirer les regards, les hommes avaient des égos surdimensionnés. Ces messieurs se faisaient un plaisir d'emmener les dames à ces événements pour leur montrer l'étendue de leur force.

Heureusement, il n'y avait pas beaucoup à apprendre. Ça allait être facile. Enfin, Kyoka l'espérait.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant