Chapitre 42

15 3 1
                                    

— Mais attends, Kyoka! Pourquoi tu t'en vas? J'ai dit quelque chose de mal?

Kyoka ne lui répondait plus. Elle allait rentrer, boire un bon thé chaud et lire un bon livre dans son lit. Elle ne voulait plus ni le voir, ni l'entendre. Cet idiot pensait encore à aller batifoler avec des serveuses après tout le temps qu'ils avaient passé ensemble. N'avait-il même pas un peu de considération pour elle? S'il n'avait aucun intérêt pour elle en tant que femme, elle était au moins une bonne amie non? Et parler de ce genre de chose devant une amie n'était pas très convenable. Entre hommes, ça aurait été quelque chose de normal. Mais parler de ses envies sexuelles avec une fille – spécialement Kyoka – était vraiment une toute autre histoire.

La professeure était sur le point de devenir folle en imaginant des choses horribles qui pourraient se passer dans une taverne entre le prince et l'une des clientes ou serveuses. Une tornade de sentiments tourbillonnait en elle. Kyoka était en colère contre Denki de lui avoir dit une telle chose. Mais elle était également triste. Toru et Mina s'étaient bien trompées sur le compte de ce blondinet. Il était toujours le même garçon immature qui ne prenait rien au sérieux. Et comme une idiote, elle avait pensé qu'il l'aimait, influencée par ses amies. Habituellement, elle n'était pas si facile à convaincre.

Kyoka savait penser par elle-même, faire ses propres choix et juger les personnes. Mais il fallait que l'amour s'insinue en elle comme un serpent pour que toutes ces aptitudes s'envolent. Et au final, elle finissait le cœur brisé. Alors qu'elle allait entrer dans la grande bâtisse, Denki la retint par le poignet. Lui aussi s'était rendu compte de sa bêtise. Jirou se retourna, les sourcils froncés.

— Pardon Kyoka, c'était une blague.

— J'aurais vraiment mieux fait de t'offrir une cuillère.

— D'accord. Donne-moi une cuillère et frappe-moi parce que je le mérite. C'était vraiment une plaisanterie de mauvais goût. Mais s'il-te-plaît, ne te mets pas en colère.

— Et comment veux-tu que je ne me mette pas en colère contre toi après ça?

— Je voulais juste te faire sourire. Tu semblais déprimée.

— Eh bien, c'est raté.

— Kyoka, je suis sincèrement désolé. Je passe le plus clair de mon temps avec des hommes. Je suppose que je ne suis pas doué pour mettre une femme à l'aise.

— Ça, tu peux le dire.

Le visage triste du prince chassa la colère de Kyoka. Comme d'habitude, il voulait bien faire, mais ses bonnes intentions aboutissaient toujours à ce genre de situation. Denki avait encore beaucoup à apprendre. Mais au moins, il s'était excusé. Kyoka soupira et renonça à rentrer. Rester dans une salle à ruminer les derniers événements n'allait servir qu'à la rendre encore plus en colère. Elle continua alors à marcher lentement dans la neige, le prince sur ses talons.

— Kyoka...

— Je ne veux plus t'entendre, Denki.

— C'est bien que tu ne te mettes pas en colère contre moi, mais tu ne me plaît pas trop quand tu boudes.

— Ah? Et à quel moment je te plaît?

— Quand tu souris, par exemple.

Son cœur loupa un battement. Est-ce que l'amour permettait de pardonner juste quelques minutes après qu'il ait fait ce faux pas? Apparemment oui, car Kyoka ne réclamait plus qu'il se taise. Denki marchait toujours derrière elle, en silence. Il sourit et pensa à tous les moments qu'ils avaient partagé. Le blond se rappela des instants où elle était dans ses bras. Cette chaleur agréable qu'elle dégageait, il ne l'oublierait jamais. À chaque fois, il voulait faire plus que la tenir dans ses bras. Il voulait être plus qu'un élève pour elle. Mais quand il s'approchait, elle fuyait comme une biche.

Il avait attendu pendant des mois qu'elle veuille bien tomber amoureuse de lui, mais c'était trop. N'avait-il pas assez fait pour qu'elle l'aime? Cette fois, il devait lui avouer ce qu'il ressentait. Et si ce n'était pas réciproque, ça ne serait pas grave. Denki devait faire sortir ces sentiments accumulés pendant longtemps. Fini les tentatives de rapprochement. Il en avait assez.

— Tu sais, plus jamais je n'irai dans une taverne.

— C'est merveilleux.

— Tu ne demandes pas pourquoi?

— Je risque d'obtenir une réponse stupide si je demande. J'ai eu ma dose, ce soir.

— C'est parce que je suis amoureux.

Kyoka se stoppa immédiatement. Il était amoureux? De qui? Depuis quand? Est-ce que c'était une résidente du château? Ou était-ce une fille rencontrée à une croisée de chemins? Denki se plaça près d'elle et la regarda, curieux de savoir pourquoi elle s'était arrêtée. Finalement, la noiraude porta un intérêt à la conversation.

— Est-ce que je la connais? Demanda-t-elle.

— Probablement, oui.

— Comment est-elle?

— Eh bien, c'est la femme la plus extraordinaire de tous les temps. Elle est belle, intelligente, elle dégage une élégance sans pareil et elle a complètement pris possession de mon cœur. Tu penses que j'ai mes chances avec elle?

Le cœur de Kyoka se serra. Elle ne pouvait pas croire qu'elle était en train de conseiller celui qu'elle aime, à propos d'une autre. Denki ne l'aimait pas et elle devait se faire à cette idée.

— Je ne sais pas. Pourrais-tu la décrire, physiquement?

Cette fois, c'était Denki qui s'était arrêté. Kyoka leva les yeux pour le regarder et leurs regards s'accrochèrent. Encore une fois, elle vit dans ses pupilles ambrées une immense douceur. Cette même douceur qui n'était destiné qu'à elle et personne d'autre. Il fallait être complètement aveugle pour ne pas voir toute la tendresse qui se dégageait de lui. Le cœur de Jirou s'emballa. Se pourrait-il qu'il l'aime, finalement? Sinon, pourquoi la regarderait-il de cette manière? Peut-être parlait-il d'elle?

Le prince avait perdu ses mots. Il ne pouvait plus se défaire de son regard améthyste hypnotisant. Les pupilles qui hantaient ses rêves tremblaient et il put lire dans son regard une grande inquiétude. Que ne donnerait-il pas pour la voir sourire? À cet instant, il voulait l'embrasser et la rassurer. Il voulait tant goûter à ces lèvres qui le rendaient complètement fou.

— Denki?

— Oui?

— Je t'ai demandé de... la décrire.

— Elle a... les cheveux noirs...

Kyoka avait des cheveux noirs.

—... Le même âge que moi...

Kyoka avait le même âge que lui, bien qu'elle était son aînée de quelques mois.

—... Une peau laiteuse... Elle est de petite taille...

La voix du prince commençait à se change en murmure, au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la jeune femme. Cette dernière sentait le souffle chaud de Kaminari contre ses lèvres. Leurs nez se frôlèrent, ce qui fit frissonner la professeure.

—... Et elle a des yeux...

Cette phrase incomplète fut prononcée en un souffle alors que ses mains remontaient le long du corps de Kyoka, jusqu'à s'arrêter sur sa taille. Pourrait-il franchir cette infime barrière qui le séparait de ses lèvres? Il le désirait ardemment, mais jamais il ne forcerait Kyoka à quoi que ce soit. Elle n'avait qu'un mouvement à faire. Un seul. Denki n'avait même pas besoin qu'elle dise quoi que ce soit. Il voulait juste qu'elle l'autorise à franchir le point de non retour.

« S'il-te-plaît Kyoka... Je ne te demande rien de plus. Tu es la seule qui puisse abréger mes souffrances, tout comme tu es la seule qui puisse me rendre fou. »

Une pression chaude et délicate sur ses lèvres fit contracter le bas-ventre de Denki. Ce contact électrique fit trembler les jambes de Kyoka, et elle s'aggripa aux bras du prince. C'était tout ce qu'elle avait toujours voulu. L'échange augmenta d'intensité, rendant ce baiser innocent totalement fougueux. Le blond serra la jeune fille contre lui, de peur qu'elle ne décide de s'enfuir encore une fois. Cette fois, il allait la retenir, peu importe ce qui se passait.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant