Chapitre 8

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Le château semblait silencieux, ce qui fit du bien à Kyoka. Ce silence était tellement agréable, contrairement aux cours de calculs avec Denki. Qu'est-ce qu'elle aimerait ne plus y retourner. C'était de loin le pire des élèves qu'elle ait enseigné dans sa vie. Flânant dans les couloirs, elle mémorisait chaque tournant et chaque salle. Ça lui serait probablement utile. Kyoka avait fini de faire le tour du premier étage. Jusque là, personne ne l'avait vu et c'était une bonne chose. Elle avait beau être une professeure surdouée, elle n'était pas une bonne actrice. Expliquer la raison pour laquelle elle était en train de faire le tour du palais au lieu d'être en train d'enseigner n'était pas très envisageable.

La jeune femme passa alors devant un tableau. Elle s'y arrêta pour l'admirer. C'était un portrait de la famille royale de Kana. il y avait le roi, sa défunte épouse et le petit Denki. Cette image datait déjà d'il y a très longtemps. Kyoka fixa le visage du prince et esquissa un sourire. Comment pouvait-on passer d'un être aussi mignon à un imbécile fini? Ses petites joues étaient rondes et son sourire était très large. Celui qui avait peint ce tableau avait parfaitement capturé l'étincelle de malice dans ses yeux. Ce garçon était destiné à être un trouble fête.

— Vous cherchez quelque chose, Jirou?

La jeune femme sursauta à l'entente de cette question. Puis, elle se tourna rapidement vers son interlocuteur qui n'était autre que le bras droit du prince. Avec une mine toujours aussi impassible, il s'approcha d'elle. Mais bizarrement, elle sentit quelque chose d'étrange en lui. Cette intuition était suffisante pour qu'elle se méfie. il n'était pas le bras droit du prince pour rien. Ça voulait dire qu'il était beaucoup plus intelligent que lui. Elle espérait qu'il ne soit pas trop perspicace, par contre.

— Je... Je cherche le prince.

— Je l'ai vu sortir du palais en furie. Qu'est-ce que vous lui avez fait?

Il ne mâchait pas ses mots, celui-là.

— Et pourquoi est-ce que ce serait moi, la fautive? C'est lui qui n'arrive à rien.

— Il n'est peut-être pas le plus intelligent de tous, mais soyez patiente avec lui.

Kyoka soupira. Elle n'avait vraiment pas besoin de conseils de sa part. Elle savait comment s'y prendre avec ses élèves. Après une révérence, elle s'en alla. Il était peut-être temps d'aller le chercher, cet idiot. Qui sait dans quel pétrin il s'était encore fourré. En chemin vers la sortie, elle croisa Eijiro. Ce dernier avait l'air beaucoup plus sympathique que Shoto. elle décida alors de lui offrir un sourire.

— Les cours sont terminés? demanda-t-il.

— Eh bien, non. Il s'est enfui avant la fin.

— Je vois.

— Je suis actuellement à sa recherche.

—Il est parti dans la forêt. Vous pourrez encore le rattraper, il n'a pas pris son cheval.

Une forêt? Pourquoi devait-il aller en forêt? Les jardins royaux n'étaient-ils pas assez à son goût? Ça voulait dire qu'elle allait être obligée de le chercher dans un endroit aussi vaste? Mais pourquoi?

En voyant la mine dépitée de la brune, Eijiro décida de l'aider. Denki pouvait faire enrager n'importe qui avec ses crises enfantines. heureusement, il le connaissait par cœur.

—Ne vous en faites pas, il n'est pas parti loin. Juste dans un coin où il pourrait bouder tranquillement.

C'était la révélation la plus étonnante et la plus grotesque qu'elle ait entendu de toute sa vie.

— Plus précisément, dans un arbre pas loin du château. Quand il était petit, il boudait toujours et s'enfuyait en menaçant de ne plus jamais revenir. Mais il avait tellement peur de se perdre qu'il est monté dans un arbre pas loin.

Eijiro se souvenait de ça. Quand il avait commencé à travailler pour la famille royale, il n'avait que seize ans, alors que Denki était âgé de dix ans. À cet âge-là, il était encore un enfant capricieux et boudeur. Cette habitude de monter dans un arbre pour faire la tête n'était jamais partie.

C'était une information légèrement inutile pour Kyoka, quoique pas totalement. Elle était sûre de le retrouver aux alentours du palais, dans un arbre. Se prenait-il pour un singe? Enfin, Denki n'était pas loin du genre. Kyoka remercia le suivant du prince avant de s'en aller. Elle n'avait donc pas besoin de prendre un cheval. Ça allait être une affaire réglée en quelques minutes.

Arrivée en dehors du palais, elle commença à entrer dans la forêt. En cette fin d'après-midi, le soleil allait se coucher, laissant ses derniers rayons éclairer le ciel d'une lueur orangée. Le paysage était vraiment merveilleux. la lumière filtrait à travers la verdure, alors que des milliers de petits animaux sauvages se baladaient entre les branchages. C'était tellement reposant. Enfin, ça aurait pu l'être si Kyoka n'était pas en train de crier à plein poumons, toujours aussi à cran.

-— Kaminari! Kaminari, où es-tu?!

Aucune réponse. Après tout, il n'allait pas lui répondre alors qu'il boudait. Elle était sûre qu'il était dans l'un de ses arbres, à ricaner en la voyant s'égosiller pour le retrouver. Il allait entendre parler d'elle s'il osait faire ça.

— Kirishima m'a tout expliqué, donc je sais que tu es là! Descends immédiatement de... n'importe lequel de ces arbres!

Kyoka se rendit alors compte qu'elle était très en colère. Ça ne lui était jamais arrivé avant. Elle était toujours d'un calme perturbant, même devant des cas désespérés comme Denki. Bon, elle n'en n'avait pas rencontré autant au cours de sa vie, lui permettant de conserver un calme à toute épreuve jamais connu. Mais pourquoi était-elle tellement énervée? La réponse s'imposait d'elle-même. Avec la relation qu'il y avait entre elle et le prince, on pourrait facilement croire que c'était lui, la cause de ses crises de colère. Et c'était préférable que tout le monde croit cela.

La véritable raison de son énervement était beaucoup plus personnelle. À chaque moment de la journée, ça hantait son esprit et la faisait perdre le contrôle sur elle-même. La professeure avait tellement hâte de quitter cette monotonie. Mais pour cela, il fallait qu'elle joue les enseignantes pendant un moment. Son envie de liberté était tellement immense qu'elle en avait du mal à respirer, augmentant sa rage. Et cette dernière était évacuée sur le premier venu. Denki n'y était vraiment pour rien. Enfin, en partie. Il restait toujours un élève aussi désespérant.

Un craquement entre les buissons la fit sortir de ses pensées. Kyoka arrêta de marcher pour tendre l'oreille. Ayant l'ouïe fine, elle pouvait reconnaître les pas de quelques animaux dans la forêt. Le poids ayant écrasé cette brindille était beaucoup trop lourd pour être un petit lièvre innofensif. C'était sûrement le prince. Une silhouette sortit alors de l'ombre, alors que le soleil avait presque disparu. Elle était beaucoup trop massive pour être Denki.

— Tiens donc, qu'avons-nous là? Ne serait-ce pas une châtelaine?

Cette voix était loin d'être celle du blond. Bientôt, d'autres craquements se firent entendre, laissant apparaître d'autres inconnus, qui encerclèrent Kyoka. La jeune femme pourrait se défendre, mais elle n'était pas armée. Et même si ça avait été le cas, elle doutait qu'ils puissent respecter les règles de l'escrime.

— Hey, patron. Arrêtez-moi si je me trompe, mais ce ne serait pas une Jirou?

— Quoi, la famille de snobinards surdoués?

— Oui, je pense. Je l'ai déjà vu quelque part accompagnée d'autres membres de la même famille.

— Ah, mais c'est que nous avons une célébrité parmi nous.

Des rires masculins et très peu rassurants s'en suivirent. Celui qui se faisait appeler patron s'avança vers Kyoka, alors que la peur commençait à la gagner.

— Alors, combien ta famille serait-elle prête à payer pour te retrouver?

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant