Chapitre 37

11 3 0
                                    

Tout le monde au palais s'activait. Partout où elle allait, Kyoka voyait des domestiques aller et venir, pressés. Dehors, elle voyait les gardes déblayer les allées et les jardiniers s'occuper des buissons. Qu'est-ce qui se passait? Elle ne pouvait pas demander à Toru, vu qu'elle était en cuisine et était autant occupée que le reste du château. La jeune femme de chambre avait ouvert les rideaux de Kyoka avec précipitation avant de s'en aller après un rapide bonjour. La professeure avait pensé qu'elle lui en voulait pour ce qui s'était passé la veille, quand elle lui avait demandé de la laisser tranquille. Mais apparemment, non.

Tout le monde était mobilisé pour un grand ménage du château. Même les femmes de chambre avaient été affectées en cuisine. Est-ce que les gardes étaient également au garde à vous? Heureusement, même si c'était le cas, Mina Ashido flânait dans les couloirs comme si elle n'avait rien à faire. Rapidement, Kyoka la rejoignit.

— Mina!

— Oh, bonjour Kyoka!

— Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi tout le monde s'active comme ça?

— Tu n'es pas au courant? Pourtant, je pensais que tu serais la première à le savoir.

— Quoi donc?

— Dans deux jours, c'est l'anniversaire du prince.

Kyoka se stoppa. L'anniversaire de Denki? Dans deux jours? Et il n'en faisait même pas tout un cirque? Le connaissant, il aurait clamé haut et fort à qui voulait l'entendre qu'il allait fêter son anniversaire. Mais le blond ne lui avait rien dit. De plus, elle avait l'impression qu'il prenait ses distances. Ce matin, il n'était même pas passé la saluer avant de partir avec le roi. Est-ce qu'il penserait qu'elle était beaucoup trop méchante malgré les moments partagés ensemble? Ce serait compréhensible. Elle n'avait jamais arrêté de se moquer de lui. Il devait sûrement souffrir en silence à cause d'elle.

— Kyoka, ça va? Tu es devenue pâle tout à coup.

— C'est... J'ai besoin de ton aide, Mina.

— Pour refaire ta garde-robe? Parce que, franchement, tu manques cruellement de style.

— Exactement.

Les yeux de la rose s'ouvrirent grand, montrant son choc. Kyoka qui acceptait qu'on touche à son style de fille parfaite? Il y avait anguille sous roche.

— Tu... Vraiment?

— Oui. Mina, transforme-moi.

— Euh, eh bien, je peux savoir pourquoi ce soudain changement?

L'heure de vérité avait sonné. Denki prenait ses distances avec elle et ça ne lui plaisait pas. Il fallait qu'elle y remédie dans l'immédiat.

— Vous aviez raison, Toru et toi.

— À propos de?

— S'il-te-plaît, ne me force à le dire tout haut.

Sans même avoir formulé la phrase qu'elle redoutait tant, Kyoka rougit jusqu'aux oreilles. Mina ne tarda pas à comprendre et elle sauta de joie au cou de la jeune Jirou. Sans plus attendre, elle l'emmena hors du palais pour la maison de couture la plus réputée de tout Kana. la noiraude se laissa guider, décidée à ne plus fuir.

Elle ne savait pas ce qui s'était passé dans sa tête, mais elle avait envie de faire quelque chose d'osé. Elle voulait avouer à Denki qu'elle l'aimait. Était-ce parce qu'elle sentait qu'elle était trop méchante envers lui? Kyoka ne voulait pas que le blondinet la déteste. Elle agissait de la sorte avec lui car elle avait peur de ce qu'elle ressentait. Il était temps d'affronter ses peurs. Dans le cas de la professeure, elle devait affronter ses sentiments. De plus, à la fin de l'année, elle allait partir. Peut-être que si elle se confessait à Denki, il la retiendrait (à condition qu'il partage ce qu'elle ressentait, évidemment).

Kyoka voulait être heureuse. Elle ne voulait plus penser à l'ombre de son père qui planait toujours au-dessus de sa tête. Avec Denki, cette ombre disparaissait, ne laissant qu'eux deux. Le prince faisait son bonheur. Elle avait pensé dur comme fer que la seule chose qui pourrait la rendre heureuse, c'était la musique. Mais elle s'était lourdement trompée. De plus, si ce qu'elle pensait pouvoir faire son bonheur dépendait de la souffrance des autres, elle n'en voulait pas.

Arrivées à la maison de couture, Mina hurla le nom de la gérante en faisant de grands gestes des mains. Ce n'était vraiment pas nécessaire de crier et Kyoka se fit un plaisir de lui faire remarquer, mais Ashido n'en avait rien à faire.

— Ryukyu!!

— Je reconnaîtrais cette voix entre mille! Répondit quelqu'un dans l'arrière-boutique.

Une femme blonde apparut et sourit aux nouvelles arrivantes. Mina alla vite la serrer dans les bras alors que Kyoka se contenta de s'incliner.

— Kyoka, je te présente Ryukyu. C'est la couturière de tous nos uniformes. Je suis une très bonne cliente parce que mes tenues se déchirent toujours. Elle les recoud au moins trois fois par semaine.

— Enfin une preuve que tu ne fais pas que te promener dans le palais et bavarder avec Toru. Répliqua Kyoka.

— Toujours aussi charmante. Ryukyu, la rabat-joie ici présente, c'est Kyoka Jirou, la future fiancée du prince.

— Ah bon? S'exclama la couturière.

— Non! Paniqua Kyoka.

Mina balaya sa réponse d'une main et continua à faire la conversation avec Ryukyu.

— Elle est un peu difficile, ne lui en veux pas trop. Elle a besoin d'une belle robe pour l'anniversaire du prince.

La couturière hocha la tête et s'en alla chercher une robe. La jeune Jirou s'approcha alors de son amie, accoudée au comptoir.

— Mina, ce n'est pas du tout à ça que je pensais.

— Tu pensais à quoi, dans ce cas?

— Eh bien, on aurait pu choisir une tenue dans ma garde-robe.

— Choisir entre tes robes de sœur d'église? Pardon, mais ce n'est pas avec ces rideaux que tu vas charmer Kaminari.

— Je... Je ne cherche pas à... le charmer. Répondit-elle en rougissant.

— Que fais-tu donc ici?

— Je voulais juste être présentable pour son anniversaire et... lui avouer... ce que je ressens.

— C'est mignon tout plein! Tes intentions sont nobles, Kyoka Jirou. Et je ferai en sorte que tu sois la plus belle de la soirée et qu'il n'ait d'yeux que pour toi. On ne verra plus que toi, tellement tu auras la plus belle robe! Les autres ne seront que des tâches à côté de toi!

— Tu ne vas pas un peu trop loin?

— On ne va jamais assez loin pour l'amour de notre vie! Et j'espère pour toi que tu ne portes pas de chaussures de grand-mère. Sinon, on va devoir aussi acheter des chaussures.

Kyoka était partagée. Elle était en même temps gênée que Mina s'investisse autant pour elle, et contente d'avoir une amie comme elle. Ce n'était même pas la rose qui allait porter une robe et aller à une soirée, mais elle était contente pour son amie, voire même très enthousiaste. L'amitié que Mina Ashido offrait à la jeune professeure était pure, sans hypocrisie. Et elle semblait ne rien attendre en échange, à part que Kyoka finisse par épouser Denki. La noiraude sourit, contaminée par la joie de vivre de son amie.

— Merci beaucoup, Mina.

— Tu me remercieras quand tu seras devenue princesse.

— Tu sembles tellement sûr que je vais le devenir.

— Évidemment que tu vas le devenir! Le palais en entier, et même le roi, sont au courant de votre petit jeu du chat et de la souris. Il te court après et tu le fuis. Puis, quand tu lui court après, il te fuit. Tu le rends complètement fou! À un moment, il est tout joyeux, puis l'instant d'après, il déprime. Tout le monde le voit, sauf vous deux.

— V-vraiment?

— Puisque je te dis qu'il t'aime aussi! Allez, allons voir ce que fait Ryukyu. Elle met un temps fou à te choisir une robe.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant