Chapitre 5

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Kyoka avait décidé de faire un cours sur terrain. Le lendemain de la visite de Denki, elle avait eu la bonne idée de l'emmener aux postes de garde pour voir comment il se débrouillait. Mais contre toutes ses attentes, Kaminari n'était même pas capable de régler un problème aussi simple que bonjour. Les soldats qui avaient besoin d'aide avaient même de meilleures idées que lui pour remédier à la situation.

Dans le premier dossier, celui qui avait fait le rapport expliquait clairement qu'il manquait beaucoup de choses dans leur poste. Les vivres n'étaient pas suffisants et l'endroit était d'un froid polaire quand l'hiver pointait son nez. Le dépôt d'armes était quasiment vide, hors mis la présence d'épées rouillées et de boucliers cabossés.

— Bon, c'est vrai que ce n'est pas rien... Dit-il en constatant les faits.

Ils n'étaient même pas encore en hiver qu'il sentit un courant d'air le faire frissonner. En plus des manques dans cette base, beaucoup de soldats tombaient malade et étaient incapable de faire leur travail.

— D'accord... Je fais quoi, maintenant?

— Tout d'abord, analyse la situation. Conseilla Kyoka.

Ce n'était pas si difficile, si? Il n'avait juste qu'à dire ce qu'il voyait dans ce poste.

— Euh... Alors, on est à la limite d'un village, dans un poste de garde en piteux état.

— C'est tout?

— Eh bien, certains soldats sont malades, mais je ne sais pas quoi faire pour y remédier. Tu as une idée, toi?

La professeure allait le tuer sous peu. Elle prit un bout de bois qu'elle trouva par terre et donna un léger coup au front de Denki. Cet homme devait apprendre à réfléchir par lui-même.

— Utilise ta tête!

— Aïe! Ça fait mal! Tu es vraiment agressive!

— Tu veux un deuxième coup?

— Qu'est-ce que je disais?

Le blond se décala d'un pas pour fuir le bout de bois de la jeune femme. C'était la première fois qu'il mettait les pieds dans un endroit supposé être sous sa responsabilité. Il aurait dû demander conseil à Shoto avant d'accepter de faire le chemin jusque là. Denki ne savait vraiment pas quoi faire. Les armes au palais n'étaient pas suffisantes pour approvisionner les soldats de ce poste. Pour les malades, il pouvait toujours affecter l'un de leurs herboristes. Plus de couvertures pour réchauffer les soldats, ce serait bien, non?

— Tu as trouvé? Demanda Kyoka.

— Peut-être. Je ne sais pas trop si ça va marcher.

— Alors, dis-moi tout.

— J'ai pensé à envoyer des armes depuis le palais. Et aussi un herboriste, ainsi que plus de couvertures.

Kyoka resta blasée. Sa seule réponse aux arguments du prince fut un coup de bâton sur son front. C'était le deuxième en moins d'une demi-journée. La jeune noiraude sentait qu'elle allait en donner beaucoup.

— Mais pourquoi?! Gémit-il en se caressant le front.

— Tu crois vraiment qu'ils vont fonctionner comme ça, jusqu'à la fin de leur service?

— Mais que veux-tu que je fasse?

— Pense à long terme, idiot!

— Ça veut dire quoi, à long terme?

— Que... Tu...

Mais elle n'avait pas la force de terminer sa phrase. Kyoka lâcha un grognement en se massant l'arrêt du nez. Denki était vraiment désespérant. Quand elle avait dit que les heures de cours allaient evoluer, ça avait sonné comme une torture pour lui. Et pas seulement pour lui! La jeune femme sentait déjà la fatigue arriver. Mais il était hors de question qu'elle craque et qu'elle fasse tout le travail pour lui. Il devait apprendre à prendre de bonnes décisions. Et des décisions durables, préférablement.

Son rôle de professeur lui donnait la responsabilité d'éclairer l'esprit de ceux qui n'en en pas vraiment. Elle se fit la promesse d'accomplir cela, car jamais aucun élève n'a été trop difficile pour un Jirou. Même pas le prince Kaminari. Ça allait être un chemin long et ardu, mais elle se jura de tenir bon jusqu'à la fin et mériter l'argent payé par le roi.

— Kaminari, à ton avis, pourquoi manque-t-il des armes?

— Eh bien... Parce qu'ils les perdent toujours pendant les expéditions!

Un chemin extrêmement long et extrêmement ardu.

— Mais non, crétin! Parce qu'ils sont usés et détruits!

— Ah oui, ça aussi, c'est possible.

— Alors, qu'est-ce qu'on fait quand on n'a plus d'armes, dans ce cas?

— On en importe du palais!

Les épaules de la noiraude s'affaissèrent et elle raffermit son emprise sur le bout de bois. Elle devait se calmer. Aller en prison pour meurtre d'un sang bleu n'était vraiment pas une option.

— Tu sais quoi, oublie le palais. Je ne veux plus entendre parler de ça. Trouve autre chose.

— Mais je ne sais pas quoi proposer, Jirou! C'est difficile de réfléchir quand tu me mets la pression!

— Je ne te mets aucune pression! C'est toi qui ne sait pas... Raah! Laisse tomber!

Du côté des soldats, ils avaient vu leur prince pour la première fois dans leur poste. Et les rumeurs n'étaient vraiment pas fausses. Le prince n'était vraiment pas une lumière. La réponse que la jeune femme l'accompagnant attendait était tellement simple et évidente. Le prince n'avait-il pas honte de se comporter en un tel idiot devant une femme? Pour lui éviter de recevoir un troisième coup de bâton, l'un d'eux s'approcha. Encore un coup de la part de Jirou et il finirait avec une bosse de la taille de la couronne.

— Excusez-moi, puis-je proposer quelque chose?

— Oui! Allez-y, parlez et sauvez-moi des griffes de cette furie! Se plaignit Denki.

— Toi, tu ne dis plus un mot avant que je ne te l'autorise! Gronda Kyoka.

Le garde s'éclaircit la gorge.

— On pourrait commander directement des armes chez le fournisseur. Et on pourrait faire la même chose pour les vivres. Quand aux malades, ce n'est pas tellement grave, donc nous ne pensons pas avoir besoin d'un herboriste. Nous pensons que c'est juste à cause du froid pendant les nuits. Il nous faudrait juste plus de bois de chauffage, c'est tout.

Enfin, une personne réfléchie! Kyoka offrit un sourire au garde et approuva son idée de plusieurs hochements de tête. Près d'elle, Denki aussi hocha la tête, pensif. Ce que venait de proposer le garde était aussi une bonne idée. Il commençait à comprendre ce que la jeune femme voulait dire par "penser à long terme". Il fallait donc une solution durable. C'était beaucoup plus clair pour lui.

La professeure se tourna vers lui, son bâton relevé. Ayant peur de se prendre un autre coup, il se décala de deux pas. Consciente qu'elle commençait à être effrayante, Kyoka jeta le bout de bois et s'approcha de son élève. Ce soldat l'avait mis de bonne humeur. Il avait parfaitement rattrapé l'idiotie de son prince.

— Tu vois? C'est une réponse comme ça qu'il fallait dire.

— Ah d'accord. Dans ce cas, c'est réglé. Allons-y! Nous avons encore deux postes de garde à aller voir.

— Tu ne vas pas prendre note de ce qu'il vient de dire?

— Pourquoi?

Kyoka espérait qu'il aurait un minimum d'intelligence pour comprendre ça. Sinon, elle ne répondrait plus de rien. Le blond fronça les sourcils et tenta de se rappeler des paroles de son subordonné. Effectivement, il allait oublier tout ça s'il ne le notait pas quelque part. Il espérait que c'était ça que Kyoka attendait.

— Je vais écrire tout ça dans une feuille. Dit-il.

— Et le dossier, il te sert d'éventail, peut-être?

Cette fois, ce fut lui qui eut une mine blasée. Elle n'était pas obligée d'être aussi méchante avec lui. Elle aurait pu juste lui dire d'écrire dans le dossier. Ce n'était pas nécessaire de parler comme ça. Après avoir tout noté, tous deux partirent pour le deuxième poste de garde qui avait des problèmes. Cette fois, Denki savait quoi faire.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant