Chapitre 32

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Tandis que les deux nobles s'étaient arrêtés pour continuer leur discussion, Toru et Kyoka les épiaient, perchées sur un balcon. Elles étaient assez proches pour les voir, mais pas pour les entendre. Pour Toru, c'était ennuyeux de ne rien entendre. De plus, il ne se passait rien d'extraordinaire. Pas un seul baise-main ni geste romantique. Les filatures étaient toujours plus intéressantes quand il y avait des choses comme ça. Elle avait envie de s'en aller.

Ce qui n'était pas le cas de Kyoka. Elle restait accroupie, les mains crispées sur sa robe et les yeux fixés sur les deux dans le jardin. De quoi pouvaient-ils bien parler? Sûrement rien de bien, car Himiko ne savait que médire des gens. À moins qu'elle ait décidé de changer, dans l'espoir de trouver un mari (elle n'était pas à son premier coup d'essai pour trouver un époux respectable). La noiraude espérait que Denki ne tombe pas dans son piège si c'était le cas.

Les deux jeunes femmes voyaient Denki de dos et Himiko de face. Elles virent qu'il disait quelque chose et la blonde avait ri. La poigne de la professeure se resserra sur le tissus de sa robe. Qu'est-ce qu'il lui avait dit pour qu'elle se mette à rire? Un compliment? Kyoka espérait vraiment que le prince n'était pas assez stupide pour ne pas voir les mauvaises intentions de cette femme.

— Peut-être qu'il lui plaît. Hasarda Toru.

— Qui ça? Toga? Avec lui? Pourquoi? Tu as vu quelque chose?

Toru analysa du regard ce qu'elle voyait. Et Jirou avait beau se moquer de ses théories sur l'amour, elle savait que sa femme de chambre avait un bon jugement concernant ce sujet. Alors, si elle disait que le prince plaisait à Toga, elle chercha vite à connaître les raisons d'une telle conclusion, ainsi qu'à les contredire quand elle les trouverait.

— Hmm... Si elle a ri à ce qu'il a dit, c'est peut-être qu'elle le trouve drôle. De plus, regarde, elle sourit. Nous ne tarderons peut-être pas à entendre les cloches d'une église sonner.

— Es-tu sûre de ce que tu dis, Toru? As-tu bien analysé les traits de son visage? Ce sourire qu'elle fait, ce n'est pas celui d'une femme qui tombe sous le charme. Regarde comme ses yeux sont plissés d'une manière étrange. Et ce sourire, il a la forme d'un V étrange. On dirait... (Le Grinch 😂) On dirait un poisson!

— Hein? Tu en as vu, des poissons au sourire en V?

— Bien évidemment! Sinon, pourquoi je la comparerai avec? Tu ne connais pas? C'est pourtant une espèce très commune. C'est une sorte de poisson aux écailles brillantes, tape à l'œil et insupportable. C'est un animal qui s'attaque aux innocents en plaçant des pièges à ours pendant une partie de chasse et qui n'éprouve pas le moindre remord après avoir vu Kaminari boiter.

Hagakure leva un sourcil après la longue phrase de Jirou. En la regardant bien, elle n'avait pas lâché les deux nobles des yeux pendant son monologue. Sa belle robe avait fini froissée et si elle y avait mit un peu plus de force, Toru aurait vu ses veines sur le dos de sa main. Un sourire en coin s'afficha sur le visage de la femme de chambre, connaissant parfaitement cette réaction. Mina avait réagi de la même manière quand une cuisinière avait osé approcher le jeune Kirishima de trop près.

— Kyoka, tu ne serais pas légèrement jalouse?

— Pardon?!

— J'en déduis que tu l'es.

— Mais pas du tout! Crois-tu réellement que je puisse être jalouse de Toga? Je t'en prie! C'est ridicule!

— Démentir de cette manière me prouve le contraire.

Kyoka cessa de parler et reporta son attention sur Denki et Himiko. Cette dernière s'était approchée du prince, le plaquant contre un pilier. Le cœur de la jeune professeure s'emballa et elle avait l'impression de sentir son sang bouillir dans ses veines. Face à la princesse, Denki ne savait las quoi faire. Il restait dos contre le pilier, espérant qu'elle ne fasse pas un pas de plus. Mais la blonde se rapprocha encore, artisant encore plus la colère d'une certaine jeune fille.

— Elle ne va tout de même pas... Je ne veux pas voir ça!

Kyoka se releva et s'en alla au pas de course, ne voulant pas assister à cette scène horrible. Dans le jardin, Denki tremblait de peur. La princesse de Neko était vraiment pire que lui. Même s'il ne connaissait pas grand chose à l'éthique, embrasser quelqu'un en présence d'un chaperon n'était pas très convenable. Mais que faire? Il pourrait la repousser, mais elle était effrayante. Denki était pétrifié.

— Princesse Toga, vous êtes... un peu trop proche.

— Cela vous dérange?

— Euh... Eh bien...

— Vous n'êtes pas drôle.

— Quoi?

— Vous n'avez même pas le courage de me repousser. Quelle poule mouillée.

Himiko s'écarta et croisa les bras. C'était toujours la même chose. Personne n'osait lui tenir tête. À force, ça devenait lassant. Personne n'osait lui dire le fond de sa pensée et d'un seul regard de sa part, tout le monde fuyait. Toga espérait rencontrer quelqu'un capable de la contredire en la personne de Kaminari, mais finalement, il était comme les autres. Elle soupira et fit demi-tour, suivie par Jin. Ce dernier n'avait pas réagi et n'avait même pas essayer de l'empêcher d'embrasser le prince. Il suivit la princesse et laissa Denki glisser au sol, tremblant.

Plus jamais, au grand jamais, il ne discuterait avec elle.

En début d'après-midi, la princesse quitta Kana, choquant tout le palais. Elle n'avait rien dit au roi, mais avait laissé Jin Bubaigawara faire des excuses à sa place. Le roi Kaminari comprit enfin l'ampleur des mots employés par le roi de Neko dans sa lettre. Himiko n'était pas seulement spéciale, elle était un phénomène à elle seule. Mais le fait qu'elle soit partie n'était pas une mauvaise nouvelle pour certains, dont Kyoka et Denki. Ce dernier était tombé dans un fauteuil de la bibliothèque en lâchant un soupir bruyant. Sur un autre fauteuil, la noiraude referma son livre et regarda le prince.

Elle n'avait pas encore oublié les évènements d'il y a quelques heures. Des questions lui brûlaient la gorge, mais elle les retint, attendant le bon moment pour les poser.

— Alors, comment trouves-tu la princesse Himiko Toga? Demanda-t-elle pour commencer.

— Honnêtement, elle est... terrifiante. Elle était prête à m'embrasser de force, tu te rends compte?

— Vraiment? Donc... vous ne vous êtes pas embrassés.

— Heureusement, non.

Kyoka était soulagée. Elle rouvrit son livre et fit mine de continuer sa lecture, heureuse de savoir qu'il ne s'était rien passé. Denki se redressa alors sur son fauteuil, voyant qu'elle ne lui accordait plus d'attention. C'était le moment de relancer la conversation sur leur sortie.


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