Chapitre 53

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D'un geste fluide, Kyotoku fit tourner son épée et l'enfonça dans le ventre de Denki. Le bruit de la lame tranchant la chair interpella Kyoka. Alors qu'elle était en train de se battre contre l'un des gardes présents dans la salle du trône, elle se précipita vers Denki qui s'était écroulé. Avant que sa tête ne rencontre violemment le sol, elle le retint. Son cœur n'avait jamais battu aussi vite qu'à cet instant. Ses mains tremblaient tandis qu'elle tentait d'arrêter le saignement. Mais malheureusement, ce n'était pas suffisant. Le sang continuait de couler, teintant sa main de rouge.

Denki cracha du sang, ce qui fit paniquer la professeure encore plus. Elle ne savait plus quoi faire pour éviter qu'il saigne encore plus. Kyoka pleurait, tout en réfléchissant à ce qu'elle pourrait bien faire. Ce n'était pas prévu dans le plan. Si elle avait su que son père aurait osé faire une chose pareille, elle aurait pensé à autre chose. Jamais elle n'avait pensé que Denki pourrait finir dans cet état. En regardant sa fille pleurnicher sur le corps du prince, Kyotoku soupira. Une douleur fulgurante transperça le côté droit de son visage et il posa sa main contre son œil. Il voyait à peine ce qui l'entourait, mais ça ne l'empêchait pas de trouver ces deux-là pathétiques.

— Au lieu de pleurer, tu devrais plutôt me remercier! Je t'évite de passer ta vie avec un imbécile! Un ignorant de moins sur cette terre! N'est-ce pas la mission ultime de notre famille que de supprimer les simples d'esprit?

— Taisez-vous! Pleura-t-elle.

— Quoi, ce n'est pas vrai?

— Vous êtes un monstre!

— Tu l'es autant que moi, Kyoka!

— Ne me comparez pas à vous! Je ne suis pas comme vous!

— Oh que si, ma chère. Tu as l'âme aussi noire que la mienne. Et nous sombrerons dans les ténèbres tous les deux. Tu auras beau voyager jusqu'au bout du monde, tu auras toujours le poids de tout ce que a causé sur la conscience. Tu ne pourras jamais te débarrasser de ce qui fait de toi une Jirou.

— Non!

Kyotoku lâcha un rire glaçant, ce qui fit frissonner Kyoka. Puis, il se retourna et chancela. La douleur se faisait de plus en plus ressentir. Sa tête tournait, ce qui le faisait tanguer. Ce n'était pas grave. Il allait se soigner après que tout ça soit fini. Derrière lui, sa fille tentait vainement d'arrêter l'écoulement du sang provenant du ventre du prince. Ce dernier menaçait de fermer les yeux. L'inquiétude avait gagné Kyoka et ses larmes ne s'arrêtait plus, l'empêchant de respirer correctement. Elle avait l'impression de suffoquer. L'air n'était nulle part dans la salle et la vue de tout ce sang n'était pas agréable.

— Non! Ne t'endors pas! Je t'en prie!

— Kyoka...

— On va te soigner! Tu ne vas pas mourir!

Denki sourit et leva sa main pour caresser la joue de la belle noiraude. Le sang sur ses doigts se mêla aux perles salées qui coulait de ses yeux, tâchant sa peau diaphane. Elle serra cette main contre la sienne, regrettant chacun de ses gestes depuis le jour où ils s'étaient avoués leurs sentiments. Si seulement elle ne lui avait pas fait de cachotteries. Ils n'en seraient pas là. Denki serait encore en bonne santé et il ne la détesterait pas. Ils auraient pu penser à une solution ensemble. Mais il fallait qu'elle hésite. Maintenant, elle retrouvait l'homme qu'elle aimait aux portes de la mort.

— Kyoka... Dit-il, peinant à faire sortir sa voix.

— Pourquoi tu souris comme ça, gros bêta?

— Parce que... je t'aime.

— Mais... tu ne devrais pas. Je t'ai fait d'horribles choses et je ne mérite pas que tu m'aimes.

— C'est vrai... Mais je ne peux pas effacer ce que je ressens pour toi aussi facilement. Au moins, je n'aurai aucun regret avant de partir. Je t'ai dit que je t'aimais et je ne t'en veux pas.

Mes mots de Kaminari n'arrangeait pas la situation. Ils crevèrent même le cœur de Kyoka. Comment pouvait-il parler de la sorte, alors qu'il était sur le point de mourir? Jirou pleura encore plus, ne voulant plus entendre un seul mot de sa part. Il ne pouvait pas accepter son sort. Elle ne l'acceptait pas et elle ne l'accepterait jamais. Kyoka allait le sauver. Elle secoua la tête, refusant de le perdre, pas sa propre faute.

— Je ne vais pas te laisser mourir sans rien faire.

Comprenant les intentions de la jeune femme, le blond enroula ses doigts autour de son bras. Kyoka ne pouvait pas faire ça. Ça allait la faire souffrir plus que ça ne la libérerait.

— Ne fais pas ça.

— C'est la seule solution pour que tu vives, Denki!

— Au prix de la vie de ton père?

— Au prix de la vie de n'importe qui.

Faisant fi du sang sur la mâchoire de Denki, Kyoka posa ses lèvres sur les siennes. C'était la première fois en cinq jours que leurs lèvres se retrouvaient. Ce doux contact avait manqué à chacun d'entre eux. Mais il était amer et douloureux, pas seulement car le sang et les larmes s'y mêlait. Le prince ne voulait pas la voir les mains remplies de sang. Kyoka n'était pas une meurtrière. Elle ne devait pas le devenir, rien que pour lui sauver la vie. Le baiser prit fin, alors que la douleur de la blessure de Denki lui fit encore plus mal.

— Je ne t'abandonnerai pas, Denki.

Ça ne sevrait plus à rien de la dissuader. Cette fois, Kyoka était en colère. Elle pouvait accepter d'être torturée, mais son père n'avait pas le droit de toucher à Denki. Le prince était innocent et elle l'aimait de tout son cœur. Les genoux tremblants, la professeure se redressa et saisit l'épée du prince. Le poids de ce dernier se faisait ressentir dans sa main. Même l'épée ne voulait pas qu'elle commette l'irréparable. Mais Kyoka traîna la lame contre les carreaux, laissant une fine ligne écarlate se tracer par terre. C'était le sang de Denki qui avait coulé dessus.

Le paternel Jirou était sur le point de monter les marches menant au trône quand il entendit la voix de sa fille. Mais cette dernière lui semblait tellement lointaine qu'il l'entendit à peine. Mais malgré son problème d'audition, il se retourna. Tout ce qu'il vit fut une lame scintillante pointée vers son cœur. Peut-être était-ce à cause de la douleur, mais l'arme tenue par Kyoka semblait filer vers son torse à une lenteur exagérée. Mais il ne bougea pas d'un pouce.

Du point de vue de Kyoka, cette scène avait été plus rapide. Les mains tremblantes et les doigts crispés autour du manche de son épée, la jeune femme exécuta ce qu'elle devait faire. Peu importe s'il s'agissait de son père, un tyran était un tyran. La lame s'enfonça dans la poitrine de Kyotoku, produisant un son répugnant, donnant à sa fille l'envie de vomir. La main du paternel Jirou retomba le long de son corps, alors qu'il plongea son regard dans celui de Kyoka. Il s'écroula et elle le suivit dans sa chute.

Sa tête rencontra violemment le sol, et les mains de Kyoka se plaquèrent contre les carreaux. L'épée resta plantée dans le cœur de Kyotoku. Il avait beau être méchant, il restait son père. La noiraude s'autorisa alors à le pleurer une première et dernière fois. Ses cris déchirèrent le silence soudain de la salle du trône. Les maléfices avaient été brisés, faisant que tout le monde la regardait sans rien dire, respectant sa douleur. Denki n'osa pas s'approcher. Il se contenta de jeter un regard à sa chemise déchirée maculée de sang. Sa blessure était complètement fermée.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant