Chapitre 27

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Kyoka n'avait pas cours, étant donné que le prince était parti superviser le travail des soldats aux postes. Et ce matin-là, avant de partir, il avait l'air différent. La noiraude avait l'impression qu'il l'avait regardé autrement. Comme s'il avait une étincelle dans ses yeux, ce qui n'était pas pour déplaire à la jeune femme. Avant de s'en aller, il lui avait fait un baise-main dans les règles de l'art et n'avait presque pas lâché sa main. Elle avait été obligée de la retirer, sentant la chaleur de sa peau contre la sienne, ainsi que son cœur battre la chamade.

Qu'est-ce qui lui arrivait? Jamais elle n'avait réagi de la sorte face à un homme. Pas même au plus érudit des hommes. Et force était d'admettre qu'ils avaient été nombreux à lui tourner autour, espérant être dans les bonnes grâces de Kyotoku Jirou et se rapprocher de la fortune de la famille. Ils étaient tous pareils. Tous à courir derrière l'argent des Jirou. Mais Denki était différent. Il la regardait sans arrière pensée et lui souriait sans se soucier du compte en banque de sa famille. Peut-être même qu'il n'était pas au courant de la richesse de cette famille de professeurs.

Kyoka tritura le pendentif en forme de trèfle, accroché à la chaîne en argent à son cou, consciente de ce qu'elle venait de penser. Est-ce que ce blondinet un peu bête lui plairait? Non, impossible! Il avait juste l'âge mental d'un enfant et elle était gentille avec lui. Et peut-être un peu gênée aussi. Quand il avait posé ses lèvres sur le dos de sa main, cette dernière s'était mise à trembler et son cœur s'était emballé. C'était normal! Parfaitement normal! Toutes les femmes réagissaient de la même manière! Impossible qu'elle puisse éprouver des sentiments pour lui.

Et de toute manière, elle n'allait pas rester indéfiniment dans ce palais. Quand les six mois seraient passés, elle retournerait auprès de sa famille, les poches remplies d'argent, et peut-être même plus... Elle ne devait pas s'attacher à qui que ce soit dans ce château. Les seuls amis qu'elle était autorisée à avoir, c'était ses livres. À cette pensée, elle sentit un pincement au cœur. Qu'allait-elle faire de l'amitié tissée entre Mina, Toru et elle?

Kyoka déposa sa brosse à cheveux en retenant ses larmes. Mieux valait pour elle comme pour tout le monde qu'elle ne s'attache pas trop. Elle retira le collier et le rangea dans une boîte avant de sortir de sa chambre. Au détour d'un couloir, une furie brune arriva de nulle part et la traîna dans les jardins, à l'abri des regards. Toru secouait ses mains devant elle comme si ces dernières la brûlaient.

— Kyoka, tu dois m'aider!

— Euh... D'accord. En quoi puis-je t'aider?

— Ojiro m'a invité pour que je rencontre ses parents, ce soir!

— C'est une bonne chose, non?

— Oui, mais... J'ai peur.

— Quoi, des parents de Mashirao?

— Pas vraiment. J'ai peur de ce qu'ils pourraient penser de moi. Après tout, sa famille est fleuriste et ils ont plus ou moins une bonne situation financière. En tout cas, meilleure que la mienne.

— Qu'est-ce que tu racontes, Toru?

Kyoka l'invita à s'asseoir sur un banc de pierre, comprenant que la situation avait dépassé le stade de simple plaisanterie. La femme de chambre ne souriait plus comme d'habitude mais arborait une mine serieuse.

— Ojiro est jardinier botaniste. Il pourrait bien devenir le fleuriste privé d'une riche héritière, tomber amoureux d'elle et vivre une belle histoire d'amour dans le luxe. Mais il m'a choisie, moi, une simple femme de ménage, qui n'a rien à offrir. Crois-tu que ses parents vont bien prendre notre relation?

Ah, l'amour... Un fléau qui faisait disparaître la confiance de la plus forte des personnes. Une vraie maladie. Mais puisque Toru ne semblait pas vouloir en guérir, autant ne pas détruire son moral en disant n'importe quoi.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant