Chapitre 18

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La première réaction de la jeune jirou fut se courir vers le prince. Heureusement, elle arriva avant qu'il ne s'écroule. Tout son poids avait écrasé Kyoka, qui plia les genoux, les bras autour de lui. Son cœur battit plus fort quand elle ressentit la chaleur du corps de Denki. Ne pouvant supporter sa lourdeur, elle tomba à genoux, face à lui. Il avait les traits crispés, signe qu'il avait mal.

— Que s'est-il passé?! Où est-ce que tu as mal?!

— Ce n'est pas très grave, à mon avis...

— Idiot! Tu es sur le point de t'évanouir!

— Toi aussi, on dirait...

— Je m'inquiète, crétin!

— Mais ce n'est qu'une petite blessure à la jambe. J'ai croisé un piège à ours par accident.

— Hein?

Kyoka était effectivement sur le point de s'évanouir. Et lui, il réagissait comme s'il s'était égratigné. Immédiatement, Kyoka se tourna vers les autres spectateurs, qui étaient eux aussi étonnés de l'arrivée du prince.

— Il est blessé! Vite, venez m'aider!

Sans attendre, un homme arriva et prit le relai, laissant la jeune Jirou se relever. L'homme jeta un coup d'œil à la blessure et s'exclama. Le pantalon du prince était en lambeaux. Le liquide écarlate avait tâché le tissu blanc.

— Mais que vous est-il arrivé? Était-ce si difficile que cela de capturer ce cerf?

— Non, j'ai juste croisé un piège à ours.

— Pardon? Un piège à ours?

— Euh... Oui.

— Ce n'est pas possible. Il est formellement interdit d'installer des pièges lors de parties de chasse.

Aussitôt, Kyoka sut que ce piège n'était pas là par hasard. Quelqu'un voulait blesser les concurrents. Mais qui?

— Vous n'avez vu personne dans les parages avant le début de la partie? Demanda-t-elle en les suivant.

— Non, aucune. Nous nous sommes assurés de la sécurité des lieux hier et des gardes ont patrouillé toute la nuit.

— Ça voudrait donc dire qu'il a été installé ce matin. Mais pourquoi?

L'homme qui venait de les aider ne savait pas non plus pourquoi. Est-ce que c'était un coup du prince Monoma? Voulait-il s'assurer la victoire? Non, ce n'était pas ça. Malgré le fait qu'il soit un peu trop imbu de lui-même, Neito n'était pas ce genre de personne. Alors, qui ça pourrait bien être? Serait-ce l'un des chasseurs? Si c'était le cas, ce comportement était loin d'être digne d'une personne de haut rang.

Alors que Denki se faisait emmener vers les herboristes, Kyoka s'arrêta un instant pour penser à tout ce qui se passait. Elle balaya l'assemblée d'un regard et ce dernier s'arrêta brusquement sur la princesse Himiko. Assise tranquillement avec un homme, elle regardait Kaminari passer, un demi-sourire aux lèvres. La jeune professeure ouvrit grand les yeux devant cette scène. Est-ce que ce serait elle, la coupable? Son degré de sadisme avait-il atteint un niveau où elle faisait souffrir même les innocents? Il semblerait que c'était la seule hypothèse possible pour Kyoka. La manière dont la blonde avait reluqué le prince de Kana était vraiment très suspecte. Mais ce ne serait pas très objectif de tout mettre sur son dos, juste parce qu'elle aimait troubler les autres.

Kyoka espérait que ce n'était pas elle, la fautive, même si cela ne l'étonnerait pas le moins du monde. Pendant que Denki se faisait soigner, la soirée avait pointé le bout de son nez. Tous les concurrents étaient revenus et avaient été mis au courant du dernier fait. Chacun d'entre eux avait réagi de la même manière : ils étaient tous choqués et spéculaient sur l'identité de la personne ayant osé enfreindre une règle importante de la chasse. Après cela, la jeune Jirou était sûre que ce n'était aucun d'entre eux. Ses soupçons allaient automatiquement vers Himiko. Cette dernière était debout dans un coin de la salle, avec le même homme. C'était probablement celui qui se faisait appeler Twice.

Un peu plus tôt, après l'arrivée de tous les concurrents, tout le monde s'était retiré pour fêter la victoire du premier arrivé. Comme le voulait la coutume, la bête chassée par le champion allait être servie au dîner, avec les autres prises des autres chasseurs. Tous les invités étaient alors dans le château des Monoma, attendant que le repas soit servi, discutant entre eux. Himiko ne parlait avec personne, pas même avec Twice. Elle observait chaque personne présente dans la salle d'un regard de vautour, sa flûte de champagne entre les doigts. Cette folle devait sûrement chercher une nouvelle cible, se disait Kyoka. La blonde bougea alors la tête et son regard doré s'accrocha à celui de la professeure, lui donnant des frissons.

Kyoka détourna vite les yeux et se leva de son siège pour aller voir comment allait Denki. Elle sortit de la grande salle bondée de gens et prit un couloir vide. C'était agréable de ne plus entendre le brouhaha des soirées mondaines. Après avoir pris quelques escaliers, elle arriva finalement à la salle où les herboristes travaillaient. Elle toqua à la porte et un soignant lui ouvrit. Aussitôt, il s'en alla et elle put entrer pour voir Kaminari assit sur un lit, complètement changé. Il leva la tête et lui offrit son plus beau sourire.

— Oh, Jirou! Bonsoir!

— Je peux?

— Bien sûr.

Il tapota la place près de lui et elle s'assit, restant à une distance raisonnable de lui.

— Alors, comment tu te sens? Demanda-t-elle.

— Je vais bien. Ils ont dit que ce n'était rien de bien grave. La seule chose qui soit irrécupérable, c'est mon pantalon. Mince, je l'aimais bien, celui-là.

Kyoka lâcha un léger rire. Il pouvait encore se soucier de son pantalon, sachant parfaitement qu'une personne avait cherché à le tuer, peut-être. Ou alors, il ne le savait pas. Elle secoua la tête en le voyant soulever les jambes pour les regarder.

— Comment peux-tu être si insouciant après ce qui t'es arrivé?

— Hein? Ah, en parlant de ça, l'homme qui m'a ramené a dit que c'était interdit de poser des pièges pendant les chasses amicales. Tu crois qu'on aurait essayé volontairement de s'en prendre à moi?

S'il avait commencé à exposer des théories sur le possible coupable, Kyoka aurait pleuré de joie. Il n'était pas tellement stupide, en fin de compte. Elle était contente qu'il ait remarqué ce détail.

— Peut-être.

— Pourquoi on aurait cherché à me blesser?

— Tu n'étais pas le seul dans la forêt, je te rappelle. La personne qui a posé ça là-bas n'avait pas l'intention de te faire du mal. Enfin, il ne pensait pas que ce serait toi qui serait pris dans le piège. Je pense que celui ou celle qui a fait ça attendait juste qu'une personne marche dessus.

— Mais pour quelle raison?

— Ça, je n'en sais rien.

Et ça confortait encore plus l'idée que c'était Himiko la coupable. La blonde choisissait ses cibles au hasard. Peu importe si cette personne était gentille, méchante, homme ou femme. Pendant quelques secondes, les deux ne se dirent pas un mot, réfléchissant sur la situation. Pour les couper dans leurs réflexions, un herboriste arriva avec un petit bocal dans les mains. Il le tendit à Denki, qui le remercia.

— Appliquez cette pommade sur votre blessure chaque matin et changez le bandage. Ça va aider à la cicatrisation.

— C'est d'accord. Merci beaucoup.

Kyoka et Denki sortirent de la salle et marchèrent ensemble dans les couloirs, le silence leur tenant compagnie. Soudain, le blond prit un autre chemin, ce qui surprit la professeure.

— Où vas-tu?

— Je vais juste déposer ce médicament dans ma chambre. Je ne tarderai pas, promis. Je t'accorderai même une danse, tout à l'heure.

— Je n'ai rien demandé.

— Je me suis amélioré, tu verras.

— On verra ça. Kaminari, fait attention dans les couloirs.

— Pourquoi faut-il que tu sois si méchante avec moi, Jirou? Je suis tout de même capable de me repérer dans les couloirs, non? J'ai le sens de l'orientation, ne t'en fais pas.

Elle le regarda lui sourire une dernière fois, avant qu'il ne s'en aille. Puis, elle se surprit à sourire aussi. Quand Denki fut hors de son champ de vision, elle regarda le sol, toujours un sourire collé au visage.

— Je disais ça pour ta jambe.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant