Chapitre 52

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Cela faisait déjà cinq jours que Kyotoku n'avait aucune nouvelle des fugitifs. Il n'avait même pas vu comment ils étaient sortis du palais. Et Kyoka qui était introuvable. Il était sûr qu'elle les avait rejoint. Mais comment les retrouver? Il avait besoin que la famille royale disparaisse complétement pour devenir roi. Sa mission ne serait pas complète sans ça. Après avoir pris possession de la demeure royale, il n'eut aucun mal à mettre tous les résidents sous son emprise. C'était un sort sur lequel il s'était entraîné pendant des semaines. Au début, il ne pouvait contrôler que cinq personnes tout au plus. Mais il avait forcé sa magie à être beaucoup plus souple et résistante. Grâce à cela, il avait réussi à changer tout un village, plus un château, en marionnettes.

Kyotoku était plutôt fier de ce qu'il avait accompli. Prendre la place du roi n'aura finalement été qu'un jeu d'enfant. Il avait espéré un combat épic qui se solderait par des cadavres ensanglantés partout. Mais comme il était un Jirou, mettre en place des plans infaillibles était dans ses cordes. C'était tellement agréable de sentir qu'encore une fois, la supériorité des Jirou n'avait pas d'égal. Et dire que Kyoka voulait abandonner ce don pour devenir une musicienne. Elle ne savait vraiment pas ce qu'elle perdait.

Assis sur son trône, il regardait par la fenêtre. Quelle belle journée pour régner sur tout un royaume. Soudain, des mouvements provenant de dehors attirèrent son attention. Le portail géant venait de s'ouvrir, laissant passer des personnes en file indienne. Il avait déjà des visiteurs? Sa montée sur le trône n'était même pas encore officielle. Il se demandait bien qui pouvait être ces personnes. Et il ne tarda pas à le savoir, car sa fille entra dans la salle du trône, le bout d'une corde dans la main. Derrière elle, le roi et son fils avaient les poignées liés, de même que les trois autres personnes avec eux. Et ils avaient l'air en bien mauvais état.

— Tiens, Kyoka. Je pensais justement à toi.

— Désolée d'avoir disparu pendant si longtemps. Je devais rattraper ces fugitifs.

— Moi qui pensait que tu étais partie avec eux.

— Vous m'aviez promis la liberté. Je suis si proche du but. Hors de question d'aider des personnes qui ne peuvent pas me donner ce que je désire le plus.

Le paternel Jirou sourit. Sa fille était finalement revenue à la raison.

— Tu fais bien, jeune fille.

— Ça n'a pas été facile de les convaincre de me suivre, mais les voici. J'ai dû user de la force et les attacher.

En guise de preuves, les cinq personnes attachées avaient des bleus sur le corps et de la poussière sur les vêtements. Kyoka n'avait pas fait dans la demi-mesure. Son père était content. Il se leva de sa chaise aux coussins de velours et descendit les trois marches pour la rejoindre. Sa fille soutint son regard à chacun de ses pas, brûlant d'assurance. Cette enfant voulait désespérément être musicienne. Quand il arriva devant elle, il fit un signe de la main et un garde sous son contrôle arriva. Il tendit la main vers la corde, mais la noiraude la retira aussitôt. Kyotoku leva un sourcil.

— D'abord, ma liberté. Ensuite, ils seront à toi. Ce sera sans négociations.

Il lâcha un rire. Après tout, une promesse était une promesse. D'un autre signe de la main, il ordonna à un garde de lui apporter l'instrument de musique le plus facile à transporter. En attendant le soldat, il fit un mouvement de poignée en direction de sa fille. Une aura violette flotta autour de sa main, ce qui donna à la jeune femme des frissons désagréables.

— C'est fait. Dit-il.

— Comment vous croire?

Au même moment, le soldat chargé de prendre un instrument de musique arriva avec une flûte. Il le tendit à Kyotoku, qui tendit l'objet à sa fille. C'était le moment de vérité. Avec hésitation, Kyoka effleura du bout des doigts l'objet. Un léger picotement lui traversa les doigts, mais rien de plus. Elle finit par entièrement saisir l'objet et ses mains ne ressentirent aucune douleur. La marque sur le dos de sa main avait disparue. En un soupir bruyant, elle relâcha toute l'appréhension qu'elle avait accumulé pendant ce court laps de temps. La sensation était tellement agréable. Plus de brûlures. Ça voulait donc dire qu'elle était libre et qu'elle pouvait partir.

Le vieux Jirou regarda sa fille s'émerveiller devant ce petit tour de magie avant de retourner tranquillement sur sa chaise. Mais quand il posa à peine son postérieur sur les coussins du trône, une objet vola dans les airs pour se planter dans son œil. Dans un hurlement de rage mêlé à la douleur, il se leva et saisit l'objet. Dans un effort surhumain, il retira ce qui lui avait transpercé l'œil. Et ce n'était autre que la flûte qu'il avait donné à Kyoka.

Elle avait osé... Pendant qu'il tentait de se remettre d'une douleur aussi atroce, les prisonniers se défirent de leurs liens et avaient commencé à se battre contre le peu de soldats dans la salle du trône. Alors que l'une de ses mains tenait une partie de son visage qui était en sang, l'autre tentait vainement d'amener des renforts. À ce rythme, le roi allait reprendre le pouvoir.

— Vous allez devoir me faire confiance et faire tout ce que je vous dirais.

Elle mélangea une poudre bleue-grise dans un petit bol et appliqua son contenu sur le visage de Denki, tout en parlant à la petite troupe. Elle avait commencé à maquiller les autres pour retarder le moment où elle toucherait le visage du prince. Mais son tour était arrivé beaucoup trop tôt. Alors, Kyoka était en train de caresser sa joue avec la poudre pour donner l'effet d'un bleu. Denki ne la regardait pas dans les yeux et c'était préférable. Il fallait qu'elle se concentre sur le plan.

— La puissance de ses sorts dépend de son état de santé. S'il est sérieusement blessé, il aura moins d'emprise sur les résidents du palais. Il faudra lui causer une blessure qui lui fera vraiment mal.

Kyoka avait pensé à lui donner un coup violent à la tête. Son cerveau était le seul moyen de contrôler sa magie. S'il était touché, il aurait du mal à se concentrer et ses pouvoirs diminueraient. La jeune femme allait s'occuper de cette partie-là. Il fallait tout d'abord équilibrer les forces.

— Et ensuite? Demanda le roi.

— Vous attaquerez. Peu importe les moyens que vous utiliserez, il faut que vous en finissiez avec lui.

— Je ne suis pas sûr de comprendre. Répliqua Kirishima.

C'était dur pour elle de le dire, mais il le fallait. C'était le seul moyen de gagner la bataille.

— Vous devez le tuer.

Denki se figea. Tuer le père de Kyoka? Réalisait-elle seulement ce qu'elle disait? Pendant son explication, elle avait arrêté de le maquiller.

— On ne pourra pas l'avoir par de belles paroles. Mon père ne jure que par l'argent. On ne pourra pas non plus l'envoyer en prison car il en sortirait grâce à un tour de magie. Il faut le tuer pour annuler tous ses sorts et le mettre hors d'état de nuire.

Le prince dégaina son épée après s'être défait de ses liens mal faits. Kyoka avait raison. Plus Kyotoku serait mal en point, mieux ce serait pour eux. Kirishima, Ashido, Jirou et le roi allaient empêcher les gardes de le protéger. Pendant ce temps, Denki tenterait de mettre fin à ses jours. C'était une idée qui ne lui plaisait particulièrement pas, mais aux grands maux, les grands moyens. Il courut jusqu'à lui et fendit l'air de son épée. Mais son adversaire se défendit en faisant apparaître une épée violette.

Kyotoku arriva à repousser Denki, mais le prince tint bon. Il continuait à riposter à chaque attaque, bien que le paternel Jirou ait réussi à le couper à certains moments. Et comme il n'avait plus assez de puissance, Jirou décida de s'en prendre aux sentiments du blond pour avoir le dessus.

— Et tu espères être aux côtés de Kyoka? Demanda-t-il en esquivant.

Immédiatement, Denki se stoppa.

— Que penserait-elle d'un homme qui a tué son père? Est-ce qu'elle resterait à tes côtés après ça?

Ce n'était vraiment pas le moment de penser à ça. Mais malheureusement, il avait déjà laissé une faille dans sa garde. Kyotoku en profita pour lui donner le coup de grâce.

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