Chapitre 47

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Effectivement, les jours qui suivirent furent tendus comme jamais. Kyoka passait le plus clair de son temps avec Hagakure et Ashido, alors que Denki disparaissait Dieu savait où toute la journée. Et quand il réapparaissait, il ne lui accordait de l'attention que quelques minutes avant de s'en aller, encore. Qu'est-ce qu'il avait? Avait-il finalement découvert son secret? Impossible, elle ne l'a dit à personne et Todoroki n'était encore sûr de rien. C'était forcément autre chose.

La noiraude était contrariée qu'il ne lui parle que très peu. Elle savait qu'il était devenu sérieux, mais pas à ce point, tout de même. Il y avait anguille sous roche... Les affaires royales avaient pris une grande part de son temps. Tellement que c'était devenu suspect. Que faisait-il dehors avec ses deux amis? Où allaient-ils exactement? Pourquoi rentraient-ils toujours aussi tard? Des milliers de possibilités défilaient dans l'esprit de Kyoka, qui était restée sur la même page depuis un moment. Toru n'avait pas raté son froncement de sourcils.

— Ce paragraphe a l'air bien intéressant pour que tu ne tournes plus les pages. Dit-elle.

— Il y a quelque chose qui cloche.

— Avec le paragraphe? Oui, je le confirme. Une partie coquine?

Kyoka leva un sourcil devant le commentaire de sa femme de chambre. Cette dernière finissait une broderie, assise dans une chaise. Les deux jeunes femmes étaient dans la chambre de la professeure, l'une avec un livre, et l'autre avec du fil et une aiguille. Jirou referma la livre et soupira. Et Hagakure savait que le sujet de conversation venait de changer quand elle soupirait de cette manière. Elle déposa son aiguille pour se tourner les la professeure, prête à écouter ce qu'elle avait sur le cœur.

Quelques semaines plus tôt, elle lui avait avoué – à Mina également – qu'elle était finalement avec le prince. Les jeunes femmes étaient contentes pour elle. Et Kyoka pouvait leur demander des conseils sans devoir cacher ses véritables intentions. Cela faisait longtemps qu'elle ne tournait plus autour du pot pour aborder le sujet.

— Il m'évite. Lança-t-elle.

— Le prince? Vraiment? Pourquoi? Que s'est-il passé?

— C'est justement ce que je me demande! Et je ne peux même pas lui poser la question parce qu'il disparaît avant même que je ne sorte de ma chambre! Il a toujours quelque chose de mieux à faire! Parler au roi, aux courtisans, aller chez un tel duc ou déjeuner chez un tel comte! C'est... C'est absolument frustrant!

— Tu as raison, c'est louche.

— Et je ne sais pas quoi faire pour capter son attention et lui parler! Il n'arrête pas de trouver des excuses!

— Oh, ce n'est pas bon.

— Quoi donc? Qu'est-ce qui n'est pas bon?

— Quand un homme se trouve des excuses pour s'éloigner de sa compagne, tu sais ce que ça veut dire?

Kyoka réfléchit sur la question. Évidemment qu'elle savait ce que ça voulait dire. Elle ouvrit grand les yeux et ses doigts se crispèrent sur son livre.

— Il aurait une... Je n'ose même pas dire le mot.

— Peut-être. Enfin, je ne sais pas. Personnellement, je trouve que ce n'est pas trop son genre de commettre une infidélité.

— Le sale petit... S'il a osé faire ça, je vais le faire regretter!

— Pourquoi pas maintenant? Il est dans son bureau, en train de signer des papiers avec Todoroki.

— Parfait! Je vais y aller! Mais... ce ne serait impoli de faire irruption dans son bureau, juste comme ça?

— Tu as quelque chose d'important à lui dire, Kyoka! Il ne faut pas que les politesses et les convenances te freinent! Si tu ne le fais pas maintenant, tu n'en auras jamais l'occasion! Vas-y, fonce! Entre dans ce bureau en fracassant la porte pour qu'il comprenne que tu ne partiras pas sans avoir obtenu des explications!

Le pauvre livre qui n'avait rien demandé se retrouva propulsé sur le lit, tandis que Kyoka sortit en trombe de la chambre. Toru avait raison, attendre un moment propice serait une vrai perte de temps. Il fallait qu'elle fonce dans le tas pour obtenir ce qu'elle voulait, immédiatement. Dans les couloirs, Jirou était presque en train de courir pour se rendre au bureau du prince. Et quand elle y arriva, elle ouvrit la porte sans frapper. Comme Toru l'avait dit, il y était présent avec Todoroki. Les deux hommes levèrent les yeux de leurs papiers pour la regarder. Kyoka était furibonde et Shoto ne se dit pas prier pour s'en aller discrètement. Quand la porte fut fermée, elle s'approcha de la table et croisa les bras.

— Qu'est-ce que je t'ai fait? Demanda-t-elle.

— Je te demande pardon?

— Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter d'être traitée comme ça?

— Tu n'es... pas contente du service des domestiques?

— Non, triple idiot! C'est de toi dont je parle!

Évidemment, il ne pouvait plus retarder l'échéance. Un jour ou l'autre, il devrait bien affronter Kyoka. Denki aurait dû le faire plus tôt, pour éviter les foudres de la jeune femmes. Mais sa lâcheté avait été beaucoup plus puissante. Le prince baissa les yeux vers ses documents et de mordit la lèvre inférieure. Par quoi devait-il commencer? Directement par la question dont la réponse était autant redoutée qu'une guerre? Ou bien, faire preuve de subtilité?

— Comment vas-tu, Kyoka?

Cette question ridicule l'avait mise en colère. Il essayait clairement d'éluder le sujet. Bien! S'il n'allait pas faire le premier pas, elle allait le faire.

— Vois-tu quelqu'un d'autre à part moi?

— Quoi?

— Tu as très bien entendu.

— Moi? Non, je ne vois personne. C'est plutôt à toi que je devrais poser cette question.

— Pourquoi à moi?

— C'est à cause de notre discussion de la dernière fois. Quand tu m'as demandé si je te pardonnerais. J'ai donc pensé que tu avais trouvé mieux et que je devrais m'effacer petit à petit.

Alors, c'était ça, la raison pour laquelle il semblait distant envers elle. Kyoka était bien loin de cette conclusion. Toute sa colère disparut et elle fit le tour de la table pour poser sa main sur le haut de la tête de Denki et lui caresser les cheveux. Cette sensation était toujours aussi agréable pour le prince.

— Vous n'y êtes pas du tout, votre Altesse.

— Hein?

— Si je t'ai choisi, c'est que tu remplis parfaitement tous mes critères. Tu n'as pas à t'inquiéter.

— Ça veut dire que tu ne vois personne?

— Personne à part toi.

— Je suis soulagé.

Ils se sourirent et Denki attrapa la professeure par la taille pour la faire s'asseoir sur ses genoux. Kyoka lâcha un petit cri, mais ne fut pas mécontente de ce geste. L'un contre l'autre, ils ne pouvaient être plus comblés. Les yeux du prince sondaient l'âme de la noiraude. Avec rien qu'un seul regard de sa part, elle ne regrettait pas d'avoir envoyé cette lettre. Kyoka caressa la joue de son amant et ce dernier n'attendit pas plus longtemps pour l'embrasser passionnément. Todoroki allait devoir attendre un moment avant de pouvoir revenir.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant