Chapitre 49

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Denki espérait avoir mal entendu. Kyotoku Jirou? Le père de Kyoka? Pourquoi lui? Pourquoi juste ce jour-là? Pourquoi le palais? Des milliers de questions fusaient dans l'esprit du prince, ce qui commençait à lui donner mal à la tête.

— Où sont les renforts? Demanda Shoto, autant à bout de souffle que lui.

— Tous les gardes du palais semblent avoir disparu. Répondit Eijiro.

Effectivement, il n'y avait qu'une poignée de soldats qui combattait tout un village. Le blond se souvint d'avoir vérifier le tour de garde. Et c'était uniquement ceux qui devaient garder la façade du palais qui étaient présents. Où étaient les autres?

— Vous vous demandez sûrement comment ai-je fait pour entrer dans la demeure la mieux gardée de tout Kana, non?

Effectivement, tous se le demandaient. Mais la question qui titillait le plus leurs esprits était: que voulait Kyotoku Jirou? Le professeur pratiquant de magie esquissa un sourire, prêt à révéler son secret.

— J'ai eu un informateur qui m'a transmis les plans du palais. Ce tas de pierres et de briques n'a plus aucun secret pour moi!

Le roi était sidéré. Quelqu'un lui aurait donc fourni les plans du palais pour qu'il puisse s'y introduire sans encombres. C'était peut-être pour cette raison qu'il n'y avait aucun garde à part ceux de la façade. Ils étaient tous coincés quelque parts, probablement bloqués par un quelconque tour de magie de la part de cet intrus. Dans cette situation, le palais n'avait pas le dessus. Le roi de Kana ne savait pas quoi faire pour le repousser, sans blesser les citoyens.

— Enfin, bref. Je ne vais perdre plus de temps à bavarder, j'ai un trône qui m'attend.

— Un trône? S'exclama Denki.

— Évidemment. Je ne suis pas venu ici pour vous souhaiter un joyeux anniversaire, votre altesse.

Alors, c'était un coup d'État? Et un coup d'État bien préparé, selon Todoroki. Cet homme malfaisant avait sûrement ruminé ce plan depuis des semaines. Voire même des mois. Le bicolore se sentait mal de ne pas avoir débusqué cet informateur. Lui qui était toujours aussi attentif au moindre fait et geste de tout le monde... Il aurait dû remarquer des choses étranges. Mais qui cela pourrait-il être? Un seul nom lui vint en tête et il fut encore plus en colère quand cette personne se présenta devant eux, hors d'haleine.

— Père!

— Ah, Kyoka, ma très chère fille!

C'était elle. Il était sûr que c'était elle. S'il ne devait pas empêcher ce fou d'entrer dans le château, Shoto aurait couru jusqu'à elle pour la décapiter. Il avait raison depuis le début. Cette fille était louche, mais il n'en a rien fait. Elle a parfaitement réussi à manipuler tout le monde. Denki le premier. Ce dernier tourna son regard vers la professeure et voulut lui crier de rentrer à l'intérieur. Mais la conversation qui suivit l'en empêcha.

— Qu'est-ce que vous faites? Demanda-t-elle.

— Je viens terminer ce que l'on a commencé ensemble, Kyoka.

Ce qu'ils avaient commencé? Denki espérait que ça ne soit pas ce à quoi il pensait. La noiraude lui jeta un regard désolé et apeuré. Son père allait avouer ce qu'elle a fait quelques mois auparavant. Tout serait différent à l'instant où il dirait toute la vérité. Les gens du palais ne la verront plus de la même façon. Denki non plus. Le monde de Kyoka commençait à se fissurer et à craqueler tout doucement.

— Votre majesté, merci d'avoir accueilli ma fille. Merci aussi de l'avoir laissé me donner les plans de ce somptueux château.

Si les mains du prince n'étaient pas crispées autour du manche de son épée, il l'aurait laissée tomber. Kyoka avait donné les informations du palais à son père? Ça voulait donc dire qu'elle était aussi dans le coup? Depuis le début, elle était étrange. Elle était tout le temps en train d'écrire et de dessiner. Le prince n'avait rien soupçonné à ces moments-là. Pourtant, elle était en train de commettre un acte de haute trahison. Et lui, comme un idiot, il était tombé amoureux d'elle...

— Allons, ma chérie. Ne fais pas cette tête. Ton papa va devenir roi et nous serons riches. Ça ne te rend pas heureuse?

— Pourquoi ça me rendrait heureuse? Vous êtes en train de voler une place qui n'est pas la vôtre! C'est une trahison, père!

— Mais je ne suis pas le seul. Toi aussi, tu y a participé. Et ne vas pas t'inventer des excuses comme quoi tu es tombée amoureuse et que tu arrêtes tout. Dès que tu m'as transmis ces plans, tu es devenue une traîtresse.

Elle ne voulait plus entendre un seul mot sortir de sa bouche. Oui, c'était vrai, elle ne pouvait pas le nier. Kyoka était une traîtresse. Et tout ça ne serait pas arrivé si elle avait avoué son secret au prince. Il aurait pu l'aider – et lui pardonner – afin de ne pas laisser le trône de Kana à son père. Mais à cet instant, elle était sûre que Denki était en colère contre elle, et qu'il n'allait pas lui pardonner. Son cœur battit plus fort quand elle vit le regard de celui qu'elle aimait. Il était blessé. Trahi. Et il se sentait encore plus stupide qu'avant.

Elle voudrait le serrer dans ses bras et lui dire de ne pas écouter les propos crachés par son père, mais à quoi bon? Il disait la vérité. Et une repentance n'était pas suffisante pour effacer un acte de trahison.

— Souris, Kyoka. Tu vas pouvoir à nouveau faire de la musique.

À ces mots, la jeune femme se figea. Elle regarda le dos de sa main et se rappela de l'accord qu'ils avaient passés, dans le sous-sol de leur maison. Si elle parvenait à faire entrer son père dans le château sans encombres, elle serait libre. Libre de faire ce que bon lui semblait. Et cette liberté était si proche. Il fallait juste que Kyotoku entre dans le bâtiment et prenne possession du trône royal. C'était la toute dernière ligne droite avant qu'il ne la libère. Mais ça ne sonnait pas comme une libération pour Kyoka. Elle avait l'impression qu'une sentence pire que la mort s'était abattue sur elle.

Voyant l'hésitation de sa fille, le paternel Jirou commençait à s'impatienter. N'avait-elle pas hâte de s'en aller loin de Kana et de vivre sa vie comme elle l'entendait? Ou alors, ces bêtises qu'elle appelait amour et amitié lui avaient retournées le cerveau? Il soupira. Les enfants étaient tellement capricieux. Ils n'étaient jamais contents de quoi que ce soit. Mais heureusement, il avait la tête sur les épaules et ne cédait jamais face aux enfantillages de sa progéniture.

— Ma fille, tu choisis. Tu me rejoins ou tu es contre moi.

Toujours aucune réponse. Il n'allait pas non plus l'attendre toute la sainte journée. Et dire qu'il lui avait appris à prendre des décisions sans hésiter. L'éducation donnée à un Jirou était toujours parfaite. L'hésitation ne faisait pas partie de leur vocabulaire. Mais là, Kyoka Jirou hésitait. Ce petit séjour de six mois avait réussi à gâcher des années de bonne éducation.

— Très bien. Passons aux choses sérieuses! Hors de mon chemin, Kaminari.

Il tendit les bras vers la famille royale et ses marionnettes accoururent vers l'entrée. Les villageois brandissaient leurs armes, prêts à mettre le roi et son fils, hors d'état de nuire. Certains se battaient contre les gardes, qui avaient du mal avec plus de trois adversaires. Kyotoku était trop concentré sur son objectif, qu'il avait oublié la présence de Kyoka. Cette dernière avait réagi quand elle comprit qu'il n'avait plus aucun intérêt à lui faire du mal. Les personnes sous en emprise ne s'attaquaient pas à elle. Décidée à ne pas rester là sans rien faire, la noiraude souleva sa jupe et courut jusqu'aux écuries.

Elle devait absolument sauver le roi et Denki. Ils étaient là priorité numéro un. En courant, elle vit d'autres villageois affronter d'autres gardes. Les renforts avaient été retardés et ne semblaient pas prêts d'arriver. C'était affreux. Ces soldats vivaient pour les protéger. Et tout à coup, ils s'attaquaient à eux. Ils devaient être choqués et ne savaient pas s'ils devaient riposter et les blesser ou simplement les repousser et risquer de mourir. Kyoka ne pouvait pas supporter ça. Tout ça, c'était à cause d'elle. Et il fallait impérativement qu'elle fasse quelque chose pour arranger ce capharnaüm.

Heureusement, il y avait une calèche avec un cheval qui n'avait pas encore été détaché. La jeune femme grimpa dessus et fit galoper le canasson. Elle devait au moins sauver la famille royale de Kana.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant