Chapitre 38

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Le palais de Kana était plus resplendissant que jamais. Le roi avait mis les bouchées doubles pour le vingt-sixième anniversaire de son fils unique. Cette fête ne serait pas comme les précédentes, car le souverain célébrait aussi les exploits de Denki. En à peine quelques mois, il avait réussi à obtenir le respect de quelques alliés, ce qui avait contribué à effacer légèrement sa réputation de prince stupide.

Pendant deux jours, les domestiques ne s'étaient pas arrêtés avant de rendre le château aussi merveilleux qu'un château de conte de fées. La neige avait été dégagée des allées, ne recouvrant que les gazons, les bancs et les arbustes. Les gardes avaient passé un coup de balai avant le début de la soirée. Ça les changeait de leurs entraînements quotidiens. Les fontaines étaient également recouvertes de ce manteau blanc glacial, et l'eau avait commencé à geler. La façade du palais, quant à elle, était éclairée par des centaines de chandeliers, mettant en valeur le marbre blanc immaculé.

L'intérieur était encore plus époustouflant. Il était éclairé comme jamais auparavant et les rideaux étaient assortis aux tapis. Ils étaient d'un jaune clair, presque blanc, bordés de dorures. Entre chaque fenêtre, des vases ornés de différentes sortes de fleurs étaient posés sur des socles. Leur odeur plaisait particulièrement à la gent féminine. Les invités entrèrent alors par une double porte géante avant de se retrouver dans une gigantesque salle de balle au sol lustré. Il brillait tellement sous leurs pieds qu'ils pouvaient y voir leur reflet. Au-dessus de leurs tête, un énorme lustre en cristal scintillait, éclairant encore plus la salle. On y voyait comme en plein jour.

Voir tant de gens réunis en un seul endroit n'était plus si gênant pour le prince. Il avait appris à maîtriser ses peurs après avoir participé à quelques réunions diplomatiques. Denki avait également amélioré son éloquence, ce qui lui valait des regards emplis de sous-entendus de certaines jeunes femmes. Mais la seule qu'il voulait voir, c'était Kyoka. Et elle n'était pas présente. Justement le jour de son anniversaire. Denki plongea son regard dans sa flûte de champagne et fit tournoyer sa boisson tout en soupirant.

— Tiens, je pensais que tu serais en compagnie de Jirou et non tout seul.

Le roi venait d'arriver et balayait la salle de ses yeux ambré. En voyant son fils tout seul dans son coin, il s'était décidé d'aller lui parler. Ce n'était pas vraiment ce qu'il attendait d'un homme qui fêtait son anniversaire. Et quand il s'était approché, il l'avait vu, la tête baissée, sans l'ombre d'un sourire sur le visage.

— Elle m'a dit qu'elle était indisposée et qu'elle viendrait si elle se sent mieux.

— Voilà qui est fâcheux. J'espère qu'elle n'a pas attrapé froid.

— Je l'espère aussi.

— En attendant, tu pourrais aller saluer nos invités. Je crois que j'ai aperçu le prince Aoyama quelque part. Il me semble que vous vous entendez bien.

— Oui, mais je n'ai pas tellement envie de discuter ce soir.

— Allons, ce n'est pas parce que Jirou n'est pas là que tu dois forcément ne pas t'amuser. De plus, tu as réussi à signer un accord commercial avec le royaume d'Aoyama. Ce serait la moindre des choses d'aller discuter avec lui.

Denki réfléchit. C'était son anniversaire après tout! C'était sa fête. Il ne devait pas se laisser démoraliser par l'absence de Kyoka. Il pourrait toujours aller la voir à la fin de la soirée. Décidé à profiter de son anniversaire, il alla rejoindre un groupe d'hommes en pleine conversation.

Du côté de la jeune Jirou, elle était décidée à ne pas sortir de sa chambre. Toru allait devenir folle et la tirer de force pour qu'elle descende passer la soirée en compagnie de Denki. Cela faisait déjà plus d'une heure qu'elle attendait dans sa chambre avec Mina. Et la soldate commençait également à s'impatienter, faisant les cent pas dans la salle.

— Kyoka, tu vas sortir, oui? Le chef cuisinier va me faire bouillir à feu vif si je ne reviens pas en cuisine le plus vite possible! J'ai déjà eu du mal à m'enfuir.

— Tu peux y retourner, personne ne te retient.

— Toi, tu me retiens! Si tu ne sors pas, j'aurais fait ta coiffure pour rien!

— Mais je... Je... J'ai l'impression que cette robe est un peu trop décolleté.

— Cette fois, j'en ai assez! Grogna Mina.

La rose arrêta de tourner en rond et rejoignit la noiraude derrière le paravent. Elle la tira par le poignet pour qu'elle se présente devant Hagakure. Et toute la colère de cette dernière se dissipa quand elle vit Kyoka dans la robe que Mina lui avait choisie. Elle avait été faite d'un tissu bleu marine incrustée de paillettes. Jirou avait enfilé un boléro à manches longues de la même couleur – mais sans les paillettes – au-dessus du cache-cœur de sa robe. Le col de la petite veste couvrait parfaitement son cou, autour duquel elle avait accroché le collier offert par Denki.

Elle était coiffée d'un chignon – qu'on ne voyait presque pas étant donné des cheveux courts – retenu par une barrette dorée. Deux mèches pendaient sur les côtés de son visage, alors qu'elle rougissait. (Elle est coiffée comme Yor Briar quoi! Mais avec des cheveux plus courts. Je sais pas si vous voyez le genre 😅).

Ses deux amies étaient  émerveillées devant cette nouvelle version de Kyoka. Les yeux d'Ashido brillaient devant la robe qu'elle avait choisie. Le bleu était joli, mais elle n'avait pas imaginé que ça irait si bien à la jeune femme.

— Oh, c'est absolument parfait. S'extasia Toru.

— Si Denki ne t'épouse pas après avoir vu ça, je ferai des brochettes avec son cœur. Menaça Mina.

Kyoka rougit davantage.

— Vous êtes sûres que ce n'est pas un peu trop? J'ai l'impression que c'est un peu tape à l'œil, ces paillettes.

— Tape à l'œil? Si j'avais pu, je t'aurais directement acheté une robe de mariée! S'exclama la rose.

— Ne précipitons pas les choses. Peut-être qu'il ne m'aime pas et que je me fais des idées et que...

— On n'est décidément pas sorti de l'auberge.

— Dans ce cas, on va en sortir de force! Lança Hagakure.

Elle prit Kyoka par les épaules et la poussa vers la porte, que Mina avait gentiment ouverte. Et bien que la professeure protestait en voulant faire demi-tour, ses deux amies la menèrent jusqu'aux escaliers qui descendaient vers la salle de bal. Kyoka ne savait plus quoi dire pour qu'elles la lâchent. Elle était paniquée. La noiraude avait décidé de se déclarer au prince et avait fait part de cette idée aux deux folles qui la menaient vers sa perte. Elle aurait dû ne rien dire. Elle en mettrait sa main à couper que Mina et Toru n'allait pas la lâcher avant qu'elle n'ait embrassé Denki sous leurs yeux.

Énervée par Kyoka qui gigotait un peu trop, Mina la lâcha et donna un coup de pied à son postérieur. La noiraude trébucha et manqua de peu de tomber par-dessus la rambarde. Toru s'exclama avant de donner un coup au bras de son amie rose.

— Mina, la robe!

— Oups, désolée.

— Merci de vous inquiéter pour moi. Lança Kyoka qui s'accrochait au bois de la rambarde.

Quand elle se redressa, la première chose qu'elle vit fut le regard de Denki posé sur elle. Il était en bas, accompagné d'amis qui riaient de bon cœur à une plaisanterie. Seul lui ne riait pas, mais dévorait la jeune femme du regard. Il n'en fallut pas plus pour qu'elle s'empourpe et que son cœur tambourine contre sa poitrine. Il la regardait toujours avec cette intensité particulière qui la déstabilisait. Une nuée de papillons ne tarda pas à s'envoler dans son ventre et ses mains commencèrent à trembler.

— Les filles, il me regarde. Je fais quoi? Demanda-elle sans le quitter des yeux.

— Saute du balcon et va le voir! Répondit Ashido.

Un autre coup de la part de la femme de chambre la fit regretter ses paroles. Prenant une grande inspiration, Kyoka fit un pas vers les escaliers. Il était temps d'arrêter de fuir.

Apprenti princeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant