3. Au Sommet de mon art

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♫ Softcore, The Neighbourhood

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♫ Softcore, The Neighbourhood

La musique résonne dans mes oreilles, mon cœur bats la chamade. Je suis au sommet de mon art, sur ce large fauteuil en derme rouge. Vêtu d'une veste en cuir noir qui colle à ma peau luisante, les cheveux ébouriffés par le vent du ventilateur, je fixe l'objectif de l'appareil avec un regard perçant. Chaque pose que j'enchaîne est une affirmation de mon charisme et de mon assurance. Le parfum que je tiens de ma main la plus tatouée se balance, gigote, bascule.

C'est hilarant, je trouve, d'être le produit d'une publicité pour un produit lui-même. C'est à se demander ce qui, en réalité, finira à la chaine dans les rayons cosmétiques des États-Unis entier.

— Tire ton menton vers l'avant, Orion...voilà, exactement comme ça ! Encore, on change d'angle !

Jorel, notre exceptionnel photographe, ne manque pas un seul de mes mouvements de son œil attentif. S'il en décèle le moindre des potentiels, il shoot...et il shoot sans arrêt, depuis plus de dix minutes maintenant.

Jouissif.

Je sais que je suis au sommet de mon jeu, que je captive l'objectif avec une aura noire, et je sens l'excitation monter en moi à chaque flash qui s'éclate. Derrière le plateau, la salle s'agite : modèles, maquilleurs et professionnels se bousculent pour trouver leurs postes, ou bien s'arrête un temps près de Jorel pour observer, examiner, contempler.

Jubilatoire.

Que c'est étonnamment amusant, de voir ces jeunes stagiaires tirer discrètement leurs portables pour filmer ma performance, entre deux rapides prises de notes dans leurs carnets froissés. Que c'est ironiquement agréable, de se savoir épié, analysé, critiqué par une salle toute entière comme si vous seul comptiez, l'espace d'un instant. Comme si le temps ne tournait plus que pour vous, avec vous, d'après vous.

Après vous, monsieur Montgomery.

Sans attendre, monsieur Montgomery.

Comme vous voudrez, monsieur Montgomery.

...Que c'est étrangement ironique, de voir ce petit monde n'avoir d'yeux que pour moi, dans la plus parfaite des hypocrisies, avec la plus profonde des jalousies, et quelque fois, un grain d'admiration étouffé au creux de la gorge... et il ne faudrait pour rien au monde le faire germer, dans ce monde qu'est le nôtre. Tous ces sentiments ambivalents, ces regards indéchiffrables, ces murmures inaudibles...

Est-ce tordu de ma part d'adorer ça ? Sans doute. Mais je m'en nourris, après en avoir trop longtemps eu peur. Il arrive un temps où l'on comprend que l'enfer n'est pas tant redoutable si l'on est taillé pour y vivre. Si l'on est devenu un morceau de l'enfer lui-même.

Mon regard s'aimante sur Kira, mon amie et mannequin de la SRM agency, tout droit dérivé du nom si réputé...

Susan Reynolds.

Patronne et fondatrice de l'agence de mannequinat SRM.

Ancienne étoile montante dans l'univers de la mode.

Femme réputée à l'international pour ses top modèles choyés, élu « avenir du mannequinat » dans la revue Vogue 2022.

Mon amie répond en tout point aux standards de beauté prônés des agences de mannequinat du coin. Un petit nez droit, un menton légèrement bombé qui vient rappeler les formes voluptueuses de ses lèvres. Ses yeux, deux perles noires subtilement inclinée, avec des coins externes légèrement relevés, rappellent avec délicatesse ses origines japonaises. Kira, en vraie poupée de porcelaine...cachant un tempérament fort et passionné. Et en cet instant, j'en ai la preuve sous les yeux : les traits tirés, elle gesticule dans le vent, tape du bout des talons affilés de ses Valentino contre le parquet. Face à elle, notre chère patronne émet des plaintes incessantes tout en palpant la fine taille de Kira, avant de se lancer dans une diatribe sans fin. C'est un vrai festival de reproches, qui se déroule sous nos yeux.

Oh, oui...

Susan Reynolds.

Fraudeuse.

Avortée du mannequinat.

Menteuse.

Elle aussi, au sommet de son art.

— Orion, on se reconcentre ! Les yeux, je veux des yeux qui transpercent mon objectif !

Je soupire, avant de me concentrer sur l'appareil photo. Les flashs s'enchaînent, se suivent, mais je ne peux m'empêcher d'être attiré par la scène qui se déroule à quelques mètres, hors du plateau. Kira qui hoche la tête, vaincue, avant de se diriger à la traine vers les sanitaires du plateau.

Oh non, non, non...

— Bon Orion, tu veux peut-être des jumelles ? C'est ici que ça se passe ! S'impatiente mon photographe.

— On prend une pause, mon pote. Je suis de retour d'ici dix minutes.

Il gigote, avant de taper du pied.

— Mec, non, on était dans une super lancée ! Repose ton derrière sur ce foutu fau...

— Je ne t'implorais pas, Jorel, je revendique la pause...et je serai de retour dans dix minutes. Ou peut-être quinze, si le cœur m'en dit.

Il marmonne dans sa barbe, avant de beugler :

— Foutu accro à la clope ! Et ce n'est pas de ce côté, la zone fumeur !

Je fais volte-face, lui déroule un sourire narquois. Il lève les yeux au ciel, balaie le vent de la main et s'approche de son ordinateur pour faire défiler les clichés de notre séance. Battu en retraite, le gourou des selfies. Mais c'est de bonne guerre. Et c'est bien le seul avec qui plaisanter ne signifie pas mettre en danger mon prochain contrat photo.

Sans perdre plus de temps, je me dirige dans le couloir ou se confrontent cinq ou six portes. Salle d'entretien, douches, buanderies, sanitaires...féminin. Je pousse la porte et dévale du regard les entrées des toilettes une à une. La dernière est close, je l'approche doucement et tambourine contre.

 La dernière est close, je l'approche doucement et tambourine contre

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A très vite, Lunaris ❤️‍🌙

Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant