49. Un connard amoureux ?

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♫ Vision – slowed – Hucci

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♫ Vision – slowed – Hucci

Mes doigts s'entrelacent avec ceux d'Eden presque malgré moi alors que nous nous dirigeons vers le bar. L'air est chargé d'électricité, de non-dits et de promesses muettes.

— Deux vodkas cerise, lancé-je au barman d'une voix assurée.

Eden hausse un sourcil, un demi-sourire aux lèvres.

— Tu crois vraiment que l'alcool va t'aider à gérer ça ? demande-t-elle, mi-amusée, mi-inquiète.

Je grimace.

— Probablement pas. Mais ça ne peut pas empirer les choses, si ?

Elle rit doucement, et ce foutu son cristallin fait vibrer quelque chose en moi.

— Tu serais surpris, Orion.

Le barman pose nos verres devant nous. J'hésite un instant avant de saisir le mien, conscient du regard d'Eden qui ne me quitte pas.

— Et si on trinquait ? propose-t-elle soudain.

— À quoi ? demandé-je, perplexe.

— À l'honnêteté. Aux nouvelles chances. À nous, peut-être ?

Son dernier mot flotte entre nous, chargé de possibilités. Je déglutis, sent et pèse le poids de ce moment.

— À nous, répété-je doucement, surpris par ma propre sincérité.

Nos verres s'entrechoquent dans un tintement pur. Alors que le liquide brûlant coule dans ma gorge, je réalise que pour la première fois depuis longtemps, l'alcool n'est plus une échappatoire. C'est juste un accompagnement à ce moment surréaliste.

Eden pose son verre, ses yeux ne quittent jamais les miens.

— Tu sais, dit-elle doucement, je crois que j'ai toujours su.

— Su quoi ?

— Que sous toutes tes conneries, il y avait ça. Nous.

Je sens mes joues s'empourprer, mal à l'aise face à tant de franchise.

— Ne va pas trop vite, marmonné-je. Je suis toujours un connard, tu sais.

Elle rit de nouveau, un son que je commence à adorer malgré moi.

— Oh, je sais.

Et alors qu'elle se penche pour m'embrasser, je réalise que peut-être, juste peut-être, être un connard amoureux n'est pas si mal après tout.

Putain, dans quoi je me suis embarqué ?

— Je ne suis pas amoureux, Eden...

Et dans le fin tremblement de ma voix, j'ai plus l'impression de m'en convaincre moi que de l'en convaincre elle...elle qui sourit toujours, mais plus si tristement.

— Si tu en es si persuadé, pourquoi ne cesse-tu pas de m'en parler ?

Elle avale une gorgée désinvolte souriante. Et je n'ai que faire que de l'imiter.

La soirée file à une vitesse époustouflante : on boit, on danse, on rit, on parle. Eden se déhanche contre une Zoey affectueuse qui la chérit autant qu'elle la câline, Camille entraine les filles sur la piste et s'assure que tout le monde est bien servi, que personne ne manque à boire ; et moi ?

Complètement sonné par l'alcool, j'observe d'un œil vitreux Eden se déhancher avec une question à l'esprit :

À quel point je ne déteste plus cette fille ?

Pire, à quel point je l'aime ?

— À la nouvelle ère qui s'offre aux mannequins de la SRM...euh, enfin...de l'agence !

Le mannequin, visiblement saoul et mal à l'aise de son erreur, rougit et lève un verre tremblant. Et tout le monde trinque à cette rédemption tant attendue, se vouent à des embrassades longues et chargées en émotions. Certains mannequins, même, lâchent une larme de soulagement en avalant une gorgée salvatrice.

Car c'est fini.

Susan ne sera plus jamais là pour réitérer ce cycle de l'abus sur nous toutes et tous.

Franchir la porte de mon appartement me provoque assez étonnamment une boule au ventre que je ne parviens pas à faire tarir. Mais inutile de mettre ça sur le compte de l'alcool : je sais bien que la coupable, c'est cette étudiante aux cheveux d'or qui délaisse ses talons dans mon entrée avant de se laisser tomber sur mon canapé.

À quel point je ne déteste plus cette fille ?

Pire, à quel point je l'aime ?

Et les questions se répètent en boucle, encore et encore, sans jamais cesser de se fracasser dans chacun des coins de mon esprit. Je passe mon t-shirt au-dessus de ma tête et le pose sur le dossier du sofa, tout près d'elle, quand je lui demande de but en blanc :

— Qu'est-ce que c'est, que d'aimer ?

Elle se redresse sur ses coudes, suspicieuse, puis fronce les sourcils.

— Tu n'es jamais tombé amoureux ?

Ses yeux dévalent mon torse, alors que je me laisse tomber près d'elle.

— Je n'ai jamais compris ce que c'était que d'aimer sainement. Ma mère n'a pas su le faire, mon père n'était plus là pour le faire...

Alors j'ai reproduit ce que j'ai vu toute mon enfance, avec quelques sévices : baiser, pleurer, fuir. Et puis plus grand, baiser, vomir, fuir. Un cycle infernal, dans mon enfance, dont je n'ai pas su me défaire avant ce fameux jour ou mon père a su.

Quelques jours après avoir mis au courant Helen, il s'est jeté sous les rails du train qui passait à quelques mètres de la maison. Je me rappelle encore du jour ou la police a appelé à la maison.

Ma mère, ne pas s'effondrer, jamais s'effondrer, et annoncer froidement au gamin que j'étais que des agents ramassaient lentement les morceaux d'un père dont je ne pourrai jamais faire le deuil. Un père qui m'a laissé seul avec elle.

Encore et encore.

— Aimer, c'est vouloir l'autre sous toutes ses coutures. Et bien plus encore. Son corps, son cœur, son âme. Tout ce qui le compose.

Ses mots tournent dans ma tête, se fracassent contre les murs de mon esprit. Car ils font écho en moi comme jamais je ne l'aurais cru. Et j'ai la tête qui tourne, le cœur dans les talons quand je m'entends prononcer :

— Viens à la Fashion Week avec moi. Et laisse-moi te prouver que je t'aime déjà.

 Et laisse-moi te prouver que je t'aime déjà

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Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant