14. Un vendredi sans Orion

176 16 11
                                        

♫ Woman – Emmit Fenn

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

♫ Woman – Emmit Fenn

Dans les larges couloirs du PDX Institute, l'agitation fait vibrer les pas vifs des étudiants. Les rayons du soleil viennent frapper vivement le blanc des murs, le marbre du sol, et réchauffer mes épaules dénudées. Zoey, la main fermement imbriquée dans la mienne, me tire à travers la foule qui se mêle durant l'interclasse. Mon pas se fait plus lent que le sien, et pour cause : mes trois heures de sommeil de la veille ont bien du mal à alimenter les batteries de mon corps épuisé. Hier, je me suis effondré de sommeil sur mon travail. En conséquence ? Je trimballe avec moi un document de communication du projet inachevé, et l'anxiété de devoir présenter un travail non fini à la professeure me retourne l'estomac.

Zoey n'a pas dormi plus que moi la veille : quatre heures de repos à son actif, et une énergie qu'elle tient de la caféine qu'elle ingère tout au long de la journée au travers de ses cafés glacés qu'elle recouvre de chantilly. Elle n'est pas plus fraiche que moi, mais néanmoins son travail est fini. Pas le mien. Et ça ne présage rien de bon.

Il est évident que sa force mentale fait la différence. Zoey ne veut pas réussir, non. Elle le doit. J'ignore d'où lui vient cette discipline, et au-delà de l'envier, elle me fait complexer. Car je suis si épuisée que je ne parviens pas à suivre le rythme. Car quand nos corps nous lâchent, là où il lui reste son esprit, le mien ne m'est d'aucune aide.

Je ne pense pas être faible. Je déteste ce mot, d'ailleurs.

Faible.

Être faible.

Quoi de plus humiliant que d'incarner le moins...

Qu'ont-ils de plus, les gens forts ?

La volonté ? J'en ai.

Le courage ? J'en ai.

Mais il se dissipe au rythme de mes pensées dysfonctionnelles.

Ce n'est pas une question de faiblesse inhérente. C'est ma condition : je suis malade.

Je suis malade, pas d'une maladie ordinaire, mais d'une forme de tourbillon incessant d'inquiétudes et de doutes qui s'empare de moi. Elles grouillent en moi, je les ressens, je les entends.

C'est là qu'on a posé un nom sur cet envahissement mental : le trouble anxieux généralisé. C'est ce que j'affronte au quotidien, bien loin de tout ce que le mot faiblesse pourrait signifier. Et la dépression, qui m'a enveloppé de son voile sombre, a été le coup fatal.

— Vite, Eden, ou l'on risque d'arriver en retard !

Zoey slalome entre les portants à vêtements sur roulettes et les chariots de rangement pour tissus, pressée d'atteindre la salle de cours que tous se hâtent de rejoindre.

Jeudi, le jour de la grande annonce.

La professeure de communication visuelle nous attend impatiemment dans la plus grande salle de l'établissement. À ses côtés se tient un homme qui m'évoque le milieu de la mode et du mannequinat, mais impossible de mettre un nom sur son visage pourtant étalé sur grand nombre de mes coupures de mode. Soigneusement installés derrière nos tréteaux, les regards se bousculent pour ne pas louper un seul geste de madame Bennett. À quelque pas de là, Ari et Diana sortent fièrement leurs dossiers de rendus, de quoi me faire déglutir devant mon bout de labeur approximative, que j'ose à peine regarder.

Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant