Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

9. Chic, sexe et luxe sur le rooftop

♫ HEAVEN, Isabel LaRosa

— Mec, j'ai le feu dans le caleçon, au sens premier du terme...

Les basses du lounge couvrent la voix de Camille, qui me regarde intensément depuis l'autre bout de la table. Ses yeux verts reflètent les couleurs des luminaires qui couvrent la totalité du plafond. En forme de large bouteille de verre creusées, ces derniers changent de nuances progressivement, par vague de couleurs qui viennent se répandre en berceau.

Son rictus malicieux vient légèrement retrousser ses narines, soulevant l'anneau doré dont l'une d'elle est pourvue. Une jolie métisse se transhumance sur ses hanches, au rythme de la musique...tandis que mon ami vient glisser sa langue percée sur l'épaule de la brunette. Ses mèches glissent sur son front et se confondent aux boucles de la demoiselle. Elle plonge ses ongles dans son afro, et glisse son regard joueur sur Kira et moi.

— Ma belle, tu as trouvé ton homme pour ce soir, s'enquit avec humour notre amie.

— Ça n'est pas pour me déplaire...

Installés près de la baie vitrée, de ma place, je peux observer tout le petit monde installé sur le rooftop du bar, en ronde autour de la pièce centrale du site : la table basse, large bloc d'ardoise creusé en son centre pour accueillir un feu magnétique. Tout autour s'entassent verres et cocktails colorés.

— Et si on bougeait, nous ?

La bouche en poisson sur sa paille, Kira finit d'une traite son verre et acquiesce. Nous quittons la table alors que Camille se laisse aller à un baiser langoureux. Ma collègue à mes trousses, j'approche la terrasse ou mannequins de renoms se bousculent. Certains dansent, d'autres boivent, discutent...le vendredi soir, c'est le rendez-vous des archétypes de l'esthétisme : démarches élancées, silhouettes fuselées, bouches pulpeuses et corps moulés dans des tenues hors de prix.

— Tu sens ce parfum ?

Elle ricane.

— Argent, chic et sexe ? J'ai les narines prises.

Et sur ses mots, elle file tout droit dans la masse de monde. Mon attention se porte sur les shots de tequila que Finn, en tête d'une agence rivale, est en train d'enflammer. C'est de coutume, de se mêler à ceux que l'on exècre : c'est comme être sous le feu des projecteurs. On ne s'aime pas plus, mais l'on se sent exister.

En avalant d'une traite l'un des verres qu'il me tend, s'efface la petite voix dans ma tête qui me rappelle ô combien c'est absurde. Et pour ce soir, je n'ai pas envie de me demander une fois de plus si le jeu en vaut la chandelle.

— Montgomery...

Layla paraît sous mes yeux. Elle aussi, sort tout droit de l'agence de Rosa City, amarrée à quelques kilomètres de la nôtre. Elle semble attirer davantage de regards, juchée sur ses talons effilés, moulée dans sa longue robe noire. Ses lèvres rouges viennent trouver ma joue, sa main mon épaule, la mienne sa taille.