Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

45. Rédemption

♫ Chihiro – Billie Eilish

Il est déjà dix-neuf heures passées quand Zoey me fait signe de lever les yeux de mon écran. Absorbée par la rédaction de mon discours pour la remise des diplômes, il me faut quelques longues secondes pour capter ses pupilles d'un vert émeraude étincelant.

— Eden, tu as vu l'heure ? Je dois partir travailler !

Mon regard se porte sur la baie vitrée de la salle étudiante. À cette heure, la lumière du jour décline, et l'agitation des étudiants devant l'institut confirme qu'il est temps pour nous de quitter les lieux.

— C'est vrai, toi tu as toujours un travail, toi, dis-je en taquinant, tout en rassemblant mes affaires dans mon sac en cuir marron.

Tandis que l'on traverse les larges couloirs du PDX Institute, je sors mon paquet de cigarette pour en extraire deux : une pour moi, une pour Zoey. Avec une langueur feinte, le feu de nos briquet embrase le bout de nos clopes, que l'on porte à nos lèvres.

— Une seule et je file, me lance la rouquine.

J'opine, mais mon regard, lui, est aux abonnés absents : en réalité, il est absorbé par un point juste au-dessus de l'épaule de Zoey, dans le creux de son cou. Et la rouquine le remarque bien assez vite, puisqu'elle gigote dans tous les sens en s'exclamant :

— Quoi ? J'ai une araignée sur l'épaule ? Aide-moi !

Je tire une taffe, les yeux ancrés dans les siens.

— C'est pire qu'une araignée, Zee...

— Quoi, une mygale ! Eden, je vais te...oh...je vois.

Zoey se fige, ses yeux s'agrandissant alors qu'elle réalise ce qui se passe. Elle éclate de rire, un son cristallin qui résonne dans le parc étudiant. Son regard s'arrête d'abord sur la berline noire garée dans l'allée, exactement comme moi quelques secondes avant, puis se pose sur Orion. Clope à la main, il attend nonchalamment contre la portière de la voiture conduite par un homme d'une quarantaine d'année.

— Sérieusement, Zee ? Une mygale ? Où est-ce que tu penses qu'on est, dans une jungle urbaine ?

— Alors, qu'est-ce qui est pire qu'une araignée ? demande-t-elle en tirant une nouvelle taffe – lui ?

Un rictus arque me lèvres.

— Si seulement je pouvais te répondre non...

— Il doit avoir quelque chose à te dire.

Je me tourne vers Orion, intriguée. Je fais un pas en avant, hésitante, puis me ravise et me tourne de nouveau vers elle.

— Tu veux dire qu'il m'attend pour me parler ? Pourquoi il ne vient pas lui-même ?

Je hausse les épaules.

— Peut-être qu'il veut que ce soit toi qui fasses le premier pas. Ou peut-être qu'il est juste trop cool pour ça, qui sait ?