Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

48. Vodka cerise

♫ Vision – slowed – Hucci

Les flashs des paparazzis fusent comme des éclairs alors que les mannequins de la SRM Agency, désormais avortée, se présentent fièrement devant le rooftop pour fêter notre renaissance à tous.

En montant sur ce large bloc de marbre, frêle et pourtant si dévouée, Eden ne m'a pas sauvé que moi : elle a sauvé tous ceux que l'industrie a meurtrie.

Tous ceux qui, en silence, sont passés sous les mains de Susan.

Le mouvement de foule l'électrise autant qu'il joue avec son anxiété. C'est pour cette raison que j'ai laissé mon bras glisser derrière sa taille pour l'attirer au plus près de moi, comme si elle n'était pas si amoureuse, comme si je l'étais tout autant.

Dans sa jolie robe noire, ses prunelles marrons ressortent bien plus vertes que je ne l'aurais imaginé. Peut-être aussi que la lumière des clichés immortalisés au pieds du building font ressortir les milles éclats émeraude que j'avais le loisir d'observer lorsque j'étais en elle, lorsqu'elle était à moi...

— Orion Montgomery, pouvez-vous confirmer que vous avez été accompagné par le compagnon de Susan Reynolds pour déposer une plainte concernant des abus sexuels commis par Susan à l'encontre de ses mannequins ?

Je redresse le menton, arborant cette confiance en moi toujours si feinte, et hoche la tête.

— Je peux confirmer que toutes les parties concernées ont déposé une plainte. Il s'agit d'une action collective qui sera traitée par l'avocate Alicia Ross.

Kira, à quelques mètres de moi, est sous le feu des projecteurs, assaillie de questions sur le monde du mannequinat. La presse a été informée ce matin par le père de Camille de la démission de Susan, peu après qu'il ait déposé sa demande de divorce.

J'ai une chance inouïe que Monsieur Gutiérrez soit un homme d'une sagesse tranquille ; sans cela, il m'aurait été difficile de révéler les abus de sa femme en entrant dans les détails. Lorsqu'il nous a invités à prendre un café, Camille, Kira, Eden et moi, après ce bouleversement au sein de l'agence, il a fait preuve d'une bonté caractéristique de la famille de son fils. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer ses parents et sa petite sœur, Carmen. Qui n'a pas échappé à mon regard scrutateur, et bien vite, Camille m'avait ramené à l'ordre :

« Toucher à ma sœur, c'est me toucher moi, mon pote »

Mais il faut le dire : sa sœur est sublime. Des yeux d'un vert intense, des cheveux d'un brun profond et un regard résolu, déterminé... Elle est comme son frère, à l'exception que son esprit est plus sombre.

Là où Carmen est la lune, Camille est le soleil.

En parlant du dit soleil, ce dernier ne tarde pas à faire irruption près de nous et à poser un bras derrière ma nuque.