Sous l'étoffe de nos âmes [TERMINÉE]

37. Rendre les armes

♫ Nightmares- The Neighbourhood

Il y a dix ans.

Un cauchemar. C'est juste un mauvais cauchemar.

Il fait nuit noire quand la porte de ma chambre s'entrouvre lentement sur une silhouette que je ne reconnais pas dans un premier temps. Je claque ma Nintendo sous ma couverture et plisse les yeux. Le regard habitué à la vive lumière de ma console, je dois cligner des paupières à plusieurs reprises pour comprendre qu'il s'agit de ma mère.

À pas de loups, elle m'approche, et comme je crains qu'elle ne se plaigne de me savoir réveillé à cette heure-ci de la nuit, je fais mine de dormir.

Seulement...je sens peu à peu la couette glisser le long de mon corps. Et puis sa main crocheter ma console tout près de ma cuisse.

Merde.

Cramé.

Mais parti comme je suis, je continue de faire semblant de dormir. Avec un peu de chance, elle me laissera tranquille. Seulement rapidement, de longs doigts s'enroulent autour de mon sexe, et commencent à le frictionner lentement sous mon pantalon de pyjama.

C'est plus fort que moi, je garde les yeux fermés. Je ne préfère pas regarder autour de moi. Avec un peu de chance, je vais me réveiller. Mais le mouvement se fait plus insistant à mesure que mon sexe à-demi bandé se lève malgré moi.

Non, pas ça.

J'ouvre les paupières d'un coup, et non.

Ça n'est pas un cauchemar, non.

C'est bien la pire des réalités qui s'offre à moi.

De nos jours.

Un verre d'alcool à la main, les flashs de ce soir-là reviennent par à-coup avec la violence d'une gifle. La première fois que ma mère m'a touché, j'ai perdu le souffle de la vie.

Et je suis mort, ce soir-là.

Les stigmates qu'elle m'a laissés sont multiples : une addiction pour la mutilation qui aura semé ses traces sur ma peau, un rapport au sexe ébranlé ; et le vice, un vice profond qui ne veut quitter mes veines. Oh, et un œil qu'elle aura marqué au fer rouge à tout jamais, et qui chaque matin devant le miroir, me rappelle qu'elle a laissé sa trace sur mon corps.

J'avale une gorgée de vodka à la bouteille, en espérant que l'alcool fasse son effet et taise mes pensées l'espace de cette soirée où l'on célèbre la nouvelle année. Dans le large salon de Camille, la musique bat à son plein ; les basses assourdissantes mènent un combat avec mes tympans, tandis que les volutes de fumée de ma cigarette viennent brouiller ma vue.

Ce soir, pas de sortie au rooftop prévue pour nous tous, juste une soirée entre nous. Kira s'élance sur les airs de la musique, invitant d'un mouvement de doigt Eden et Zoey sur la piste.